Claudine à l’école fut un des grands succès littéraires de l’aube du XXème siècle puisque publié en mars 1900. Le roman est signé Willy, pseudonyme d’Henry Gauthier-Villars, qu’il l’utilise pour les productions de l’atelier de “nègres” qui fourbissent ses ouvrages.
Mais soudain, ce roman est bien différent de ses habituelles productions : le langage y est sans vergogne, se moque des convenances. Bref, la langue y devient nouvelle et ce qu’elle dévoile, scandaleux.
A cela une raison majeure : aux scripteurs habituels de Willy fait place sa jeune femme, Sidonie-Gabrielle, née Colette. Mais il faudra néanmoins attendre pratiquement 25 ans pour que son nom apparaisse en propre sur la jaquette du Blé en herbe.
Avant cela, il y aura eu d’autres “Willy”, des “Colette Willy” voire des “Colette (Colette Willy)”, mais qu’importe le nom sur le flacon : jaillit l’ivresse de l’écriture de celle qui venait de créer un type et en créera d’autres : celui de Sido, sa mère, personnage principal de toute sa vie, celui de Gigi, jeune fille élevée pour devenir une femme entretenue et qui échappe à ce destin puis enfin celui de Colette elle-même, qui se construit au fil de plusieurs vies.
Ce tirage particulier a le mérite de nous rappeler celle qui a fait déménager la littérature vers d’autres lieux pour que des portes s’ouvrent et que le féminisme lui-même trouve là une chambre à part.
jean-paul gavard perret
Colette, Le Blé en herbe et autres écrits, tirage spécial – Préface d’Antoine Compagnon, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, février 2023, 1376 p.
Enfin ” COLETTE ” déligotée d’un passé empiété par Willy et le siècle corseté !