A celle qui a incarné à 17 ans Ophélie, et qui sur une composition de Mick Jagger et de Keith Richards, a chanté «As Tears Go By », avant de devenir l’égérie du Swinging London avant, de sombrer dans l’héroïne et créer son Frankenstein avec Broken English pour s’arracher à sa légende noire et construire une autre légende, Véronique Bergen fait le lit.
Se fondant sur cet album, ce livre remonte l’histoire pour bétonner ce mythe renouvelé que Marianne Faithfull a contribué à recréer. Après Broken Engslish, la créatrice réinvente sa voix et sa musique, sait tirer enfin des bénéfices de sa première existences pour entrer dans des mondes différents.
L’auteure évoque avec déférence sa trajectoire et montre comment la groupie des Stones est devenue, en s’installant à Paris, mais déjà bien avant, une femme engagée et éco-responsable comme elle l’évoque dans ses Mémoires où, entre autres, elle analyse l’effet sensoriel, l’impact existentiel des œuvres d’art.
Véronique Bergen donne de l’Anglaise une image presque trop parfaite, ne tirant de ses pages d’ombres que ce qui dans sa trajectoire se transmua en lumière.
Elle souligne aussi comment sa musique affronta et affronte la part de nuit, de noirceur que nous refusons de voir, en s’aventurant vers les plis de l’inconscient en fréquentant aussi les auteurs élisabéthains pour trouver la beauté qui tutoie le risque.
Mais du chaos et de l’ordre, Faitufull a su astucieusement jouer pour faire plus bon usage que mauvais. Bergen la tire sur le premier angle et donne à la créatrice une puissance de feu qu’elle n’eut pas toujours sinon en se limitant à un discours ou à une posture.
Mais son essayiste ne retient que la meilleure face de l’artiste et c’est bien mieux ainsi.
D’autant qu’il n’y a pas forcément là une sacralisation à outrance mais une mise à plat des thèmes et des “noces dialectiques” chères à un artiste qui fit et fait tenir ensemble le blanc et le noir.
Hommage soit donc rendu à celle qui, devenue vieille femme, offre encore des concerts qui, hélas, ne sont plus dignes de ce qu’elle incarna et qu’elle défend encore.
jean-paul gavard-perret
Véronique Bergen, Marianne Faithfull — Broken English, Editions Densité, 2023, 96 p.- 12,00 €.
Marianne Faithfull ne s’écrit pas et ne se dit pas . Elle vit . Eternelle dans une nostalgie dont chacun garde son ressenti . Véronique Bergen fait le lit . JPGP le transcrit .