Les déchirures du dire et la draille des jours
Il existe chez Carole Clotis une écriture surprenante qui mêle une aventure spirituelle de haut vol à ce que la créatrice sait rabattre sur le réel. Existe aussi un appel en tension vers l’autre à travers les déchirures de l’âme et les trous du coeur.
L’auteure ne cherche pas une consolation et reste à peine une supplique face à ce que le mâle trop souvent détruit.
Cet appel est aussi une remontée vers ce qui fut dans un monde déchiré où la nature demeure en parentèle parfois plus avenante que les données chères à l’espèce dite humaine. Celle-ci ne fait que recréer depuis toujours de la nuit.
Elle “descend sur les flancs” de celle qui voudrait s’accrocher à la lumière à mesure que le sombre refleurit.
Ce qu’il y a d’étouffant dans une telle vision prend le lecteur ou la lectrice. Néanmoins, demeure un peu de la vie et un peu d’avant ou d’après la vie dans cette poésie présence. Carole Clotis n’arrive pas à y exister totalement.
Ce dont elle a souffert ne fut toutefois pas total. Et si une moitié de son imago reste accrochée à ce qu’elle sait et a subi, l’autre s’en arrache pour s’éloigner.
Certes, il n’y a pas encore la capacité pour l’auteure de sortir totalement de soi ou plutôt de son ombre, et de voler beaucoup plus haut jusqu’à se désenchaîner de ce qui fut. Mais l’écriture tente des voltiges.
Car existe un désir auquel l’auteure s’arrime. Il la nourrit en permanence, et lui rappelle que si elle a peut-être mal été, elle retrouve dans l’écriture de quoi “laver, trier, ranger les images intimes”.
Le tout dans ce livre premier qui en appelle déjà d’autres pour savoir ce qui se passera après (et pour inverser ce que dit l’auteure) “ce premier jet de palimpseste”.
jean-paul gavard-perret
Carole Clotis, Froissures, ENd éditions, 2023, 52 p.- 10,00 €.