Quand le futur s’inspire du passé…
Le futur est un champ immense pour tout auteur à l’imagination fertile. Et ce futur peut prendre tant de formes différentes qu’il y a le choix. Après Renaissance (Dargaud), sa superbe série où il imagine une civilisation d’extraterrestres venant au secours d’une Terre complètement asphyxiée, Fred Duval change de registre et propose un modèle issu du passé.
Il reconstitue un système social du type féodal, combiné à une évolution née des anciennes civilisations.
Une femme, en forêt, prélève des éléments végétaux quand elle découvre un cheval harnaché, mort, prisonnier d’un arbre.
Les civilisations se sont effondrées. Plusieurs siècles après, de nouvelles sociétés ont émergé d’un monde retourné à l’état sauvage sous l’impulsion de chefs de guerre, système qu’ils ont baptisé NeoFéodal.
Aux confins de l’ancienne France et d’une grande forêt, l’un d’eux s’est constitué en royaume. Propriété du comte Cocto, il est autonome grâce à une usine-forteresse qui assure énergie, eau, vivres… La population appartient au comte.
Les cultures transgéniques ont donné à toute la flore des capacités de reproduction remarquables et naissance à la NeoForest.
Cocto excelle dans des joutes. Sa fille, Blanche, unique héritière de dix-sept ans, se désintéresse du pouvoir.
Mais quand le comte est grièvement blessé dans un tournoi, que Blanche, partie pour les confins, disparaît, il charge Paul Greem, ancien garde forestier et opposant, de la retrouver. Mais, ils ignorent encore le grand danger qui menace Blanche et le royaume…
L’auteur met en scène une société où une noblesse oisive invente des joutes d’un nouveau modèle sur le principe de celles en vogue du XIVe au XVIe siècles. Cependant, à travers ce récit, sur les pas de cette jeune fille rebelle, on retrouve des préoccupations très actuelles comme cette génétique qui évolue vers le remplacement d’organes défaillants, accès réservés aux plus riches.
L’écologie, bien sûr, n’est pas oubliée. Il place également des éléments d’intrigue liés au pouvoir, sa prise et sa conservation, à la liberté individuelle quand elle n’empiète pas sur celle des autres. Il installe une dose de fantastique en rapport avec des contes et des légendes.
Fred Duval se montre sans illusions sur la nature humaine quand il fait dire à l’un de ses personnages : “Après quelques années d’encanaillement théorique, les gosses de riches ont tendance à revenir au bercail et retomber dans le conformisme familial.“
Mais, en conteur accompli, il installe tous les ingrédients d’un récit en tension, faisant monter graduellement une pression induite par des dangers qui restent à découvrir.
Philippe Scoffoni assure seul le graphisme. Si son dessin est réaliste, il ne propose que quelques traits pour construire personnages et décors, laissant à la couleur le soin de donner le relief et une dimension de profondeur. Il offre des planches fort attractives, faisant ressortir avec maestria les diverses ambiances.
Jouant avec la lumière pour les joutes, par exemple, il donne une atmosphère inquiétante avec des tons verts et bruns pour l’univers végétal.
Un premier tome fort intéressant pour le cadre du récit, pour la galerie des acteurs de l’intrique et pour des planches très plaisantes pour le regard.
lire un extrait
serge perraud
Fred Duval (scénario) & Philippe Scoffoni (dessin et couleur), NeoForest – t.01 : Cocto Citadelle, Dargaud, janvier 2023, 64 p. – 16,50 €.