Couples — ou presque
Que sommes-nous sinon remplis de voiles, de plis, de nuits, de rides et de vouloirs obscurs ? Emplis aussi de débris, de cris apocryphes et d’asphyxie. Trombe lente d’écorchés dans notre existence.
Nous ne faisons que nous enfoncer, imprudents, en un réseau de lignes irréfléchies que Sylvie Wojniak remonte en son chant plastique et avec tout son cousu, décousu, recousu. C’est avec le manque qu’on possède, qu’on prend.
Existe aussi le harcèlement de lumières réticentes. L’artiste nous rappelle que nous nous croyons debout, debout ou presque sur l’échelon de chaque jour, tâtonnant dans la pénombre sur la pierre plate du temps. Avec de l’ocre dessus, dedans comme en eau-forte pour buriner l’instance des corps rachetés à l’ennui ou à la perte.
Les prismes des êtres deviennent un concours de failles. Et c’est comme si nous étions têtes-bêches afin de tamiser la distance entre nous-mêmes et l’absence et trouver à la fin une présence. L’artiste intercale des plis, des formes, de la couleur entre présence et absence et entre deux car notre supposée lumière a besoin d’intermédiaires.
Reste comme la broderie parodique mais tout aussi sérieuse d’une silhouette. Comme en appel à celle de l’autre.
C’est ainsi que deux contours n’en font parfois qu’un, mais additionner devient un raccourci vers la soustraction cachée à l’affût.
jean-paul gavard-perret
Sylvie Wojniak, Entre deux, Galerie Art Now Projects, Carouge-Genève, 14 janvier au 25 février 2023.