Point de vue sur l’invisible et sur ce qui arrive
La nouvelle exposition de Catherine Bolle prouve la qualité rarissime de son travail et de sa vision. La créatrice reste une des artistes suisses les plus importantes voire la plus intéressante.
Chaque fois et même dans ses châsses en plexiglas ou dans ses cadres, l’image gonfle de poésie et de signifiance. Pas besoin ici de discours pour comprendre ce qui arrive car la peinture, à elle seule, “dit” tout.
Les tourments du monde et peut-être intérieurs sont là. Mais l’imagination les fait débouler en pulsions et retenues. La beauté prime mais elle ne fait pas forcément dans la grâce “sanctifiante” : elle fait mieux car elle happe, touche. Tandis que le monde s’agite en son chaos, Catherine Bolle le rappelle à nous : elle en épouse la fièvre, s’en empare par des des toiles et autres supports et parfois dans son “concubinage” avec des poètes.
Et dans tous les cas, la créatrice ne fait plus de nous des couleuvres avaleuses de grenouille.
Des tourbillons, des griffures s’agitent en d’étranges envols et mouvements intimes. L’air s’y condense de façon à devenir inflammable. La combustion prend parfois l’aspect d’une flamme bleue ou d’ailes rouges. Saisir la ressemblance est hors d’atteinte.
Et dès lors, seule la «“disproportion de l’homme” mais aussi sa misère que Pascal évoque dans les Pensées sont assignables à l’art de Catherine Bolle.
Ici, le moindre dessin peut suffire à retenir la vision. Et l’itinéraire de chaque œuvre mène de la ressemblance à un fond perdu. Non pas à la mort qui est une irruption extérieure mais à l’infini qu’un simple rectangle de toile permet d’incarner et d’appeler.
En conséquence, Catherine Bolle fait passer de la chimère au réel mais tout autant de la dure réalité à sa métamorphose et pour rappeler en signe d’avertissement au devoir d’être humain. Car nous ne le sommes jamais assez : pour preuve tout ce que nous détruisons.
Là le centre de gravité, d’exploration et aussi et le noeud gordien de cette œuvre majeure qui rend l’art inaliénable.
jean-paul gavard-perret
Catherine Bolle, Exposition, Villa Dutoit, Le Petit Saconnex, 20 janvier 2023 au 12 février 2023.
Physique à Polytechnique Lausanne et chimie à Genève conduisent Catherine Bolle aux Editions Traces et à bien d’autres études et réalisations dont l’exposition du jour est un point d’orgue de l’artiste inimitable et véritable gloire de son père . JPGP capte à la perfection son talent .