En dépit de sa célébrité, le contemporain de Ronsard ne publia presque rien de son vivant. Il est très bien côté cour, mais sa vie nous demeure voilée. Pourquoi donc est-il condamné à mort, sans que peine s’ensuive ? Le tout sans apparemment d’amours heureuses.
Dès lors, sa passion atteint à ces profondes « noirceurs » où l’âme se perd. Néanmoins, seule la parole poétique parvient à y sublimer les cruautés et l’abjection.
Tout se métamorphose — comme Florence Delay le souligne dans sa préface — en un bel amour. La rhétorique est la pour souligner “la sainte union de mon âme fidèle” en un platonisme qui rejoint celui de Pontus de Tyard mais avec plus de sincérité, voire de vérité dans ce rêve d’un “noeud” dont le feu “‘embrasse le coeur”.
Existe ici un contre-amour subtil et délicat si bien que la dénomination « Démon de Jodelle », selon les mots de Du Bellay (qui le révérait) ne lui va que partiellement surtout si on en croit le poète débarrassé de ses monstres et brûlant de ses amours célestes.
jean-paul gavard-perret
Etienne Jodelle, Comme un qui s’est perdu dans la forêt profonde, Poésie Gallimard, janvier 2023, 240 p. — 10,10 €.