Le règne crucial d’un roi terne
L’historienne britannique Jane Ridley s’était déjà fait connaître pour une splendide biographie d’Edouard VII, le flamboyant fils de la reine Victoria, et père de l’Entente cordiale. Elle se penche aujourd’hui sur son successeur, le bien pâle en apparence George V mais dont le règne, comme le prouve cette dense et fort bien documentée biographie, constitue un moment crucial de l’histoire de la maison Windsor.
Ne serait-ce que pour son nom que George V lui attribue en 1917 afin de “dégermaniser” la dynastie britannique.
Ennuyeux George V ? Certes, en apparence. Passionné de chasse, adepte d’une vie bourgeoise et simple, homme fidèle à son épouse, la très royale reine Mary, père très dur doté d’un caractère froid et cassant. George V était tout cela.
Pourtant, ce personnage peu sympathique était avant tout un pur produit de l’éducation victorienne, homme de devoir avant tout, tout entier consacré à sa tâche de souverain, convaincu des droits presque divins des monarques même en ces temps démocratiques.
Il apporta surtout une pierre fondamentale à l’édifice de la monarchie parlementaire anglaise en jouant à la perfection son rôle d’arbitre des passions politiques et sociales qui déchiraient la société de son pays. Son règne ne fut pas exempt de crises : politique en 1910 avec l’affaire des Lords libéraux, la guerre de 14–18, la bourrasque révolutionnaire de 1917–1918, les convulsions sociales de l’après-guerre, les cassures des années Trente.
Face à de tels défis, George V sut réconcilier, favoriser les coalitions, apaiser, arbitrer, accepter un gouvernement travailliste, lui qui se sentait si tory… Bien sûr, le livre fait la part belle des relations du roi avec ses fils, le futur Edouard VIII qui n’avait pas le même sens du devoir que son père, et le frêle George VI, qui saura toutefois tenir l’héritage. Une femme y tient une place cruciale, la reine Mary, dont la personnalité rejoignait celle de son mari qu’elle épousa sans amour, elle qui se dévoua entièrement à la Couronne et partagea la fardeau avec son époux, marquant en profondeur leur petite-fille qu’ils adoraient, Elizabeth…
A l’aide de documents précis puisés dans les archives royales et de témoignages des contemporains, Jane Ridley parvient à tracer un portrait approfondi, nuancé et objectif de George V, en nous entraînant dans ce monde si particulier de la cour des Windsor qui ne cessera jamais de nous fasciner.
Ce livre est une véritable mine d’informations.
frederic le moal
Jane Ridley, George V. Never a dull moment, Harper, 2021, 559 p. — 32,00 €.