Le retour d’un espionnage crédible
Le récit débute sur fond de Guerre froide quand les deux blocs se livrent une lutte souterraine acharnée. Cependant, pour une fois, les Soviétiques restent en retrait et c’est au sein des services secrets américains que la lutte est intense, nourrie par des ambitions peu louables, des trafics, des concussions…
Le romancier construit son histoire avec une série de flash-backs qui éclairent des situations peu prévisibles et donnent l’image d’un bel imbroglio. Mais le danger est là, la mort rôde car des acteurs du drame ne reculent devant rien même pas l’assassinat pour masquer leurs manigances.
En 1979, Helen gère quatre planques dans Berlin pour le compte de la CIA. Elle est très pointilleuse et entretient ces caches dont elle a la charge. C’est lors d’une de ses visites qu’elle voit un homme entrer, suivi par un autre. Leur visite n’est pas programmée. Qui a donné la clé ? Ils entament une conversation avec des propos incompréhensibles pour elle. Elle enregistre l’entretien.
Un nouvelle rencontre non programmée se reproduit avec un agent connu qui reçoit une femme. Une dispute violente amène Helen à se découvrir. Mais elle possède deux enregistrements.
En août 2014, à Poston, le couple Shoat est assassiné. Leur fils de vingt-quatre ans mais six ans d’âge mental semble le coupable idéal aux yeux de la police compte tenu de son attitude après le meurtre. Henri Mattick, un nouvel habitant de Poston habite à quelques rues de la scène de crime. Il est intrigué par certains faits.
Anna, leur fille de trente ans, vient le solliciter. Elle sait qu’il a été enquêteur. Elle veut comprendre les causes du meurtre de ses parents par son frère. Elle n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un détective. Elle souhaite faire appel à lui car il est sur place.
Celui-ci rechigne. Il est là pour d’obscures raisons mais cette proposition le tente. Il finit par accepter d’autant plus que celui qui l’a envoyé à Poston se réjouit de cette occasion de pouvoir entrer dans l’intimité des défunts. Et ce qu’il va découvrir…
L’enquêteur officieux/officiel va entrer peu à peu dans un passé trouble. Anna va découvrir une face inconnue de sa mère et comprendre qu’il y a des comptes qui ne se soldent jamais.
Pour ce livre, Dan Fesperman s’inspire de faits authentiques glanés dans des archives très discrètes. Il éclaire le rôle des femmes au sein du service de renseignement le plus puissant du monde, après celui du Vatican, et montre quelles places ce pays qui se dit progressiste, démocratique, leur laissait. C’est édifiant !
Avec un récit en tension, l’auteur fait revivre une époque et donne des informations attrayantes sur des côtés méconnus de ce grand service secret, son fonctionnement, sur les rouages anonymes. Il mène son roman tambour battant, multipliant les révélations, péripéties et coups de théâtre jusqu’à une chute surprenante amenée de belle manière.
serge perraud
Dan Fesperman, Non officiel (Safe Houses), traduit de l’anglais (États-Unis) par Michelle Lenormand, le cherche midi, novembre 2022, 496 p. – 23,50 €.