Liebestod (Angelica Liddell)

Le gouffre sans fond de l’inanité

Le rideau s’ouvre et se ferme sur de brefs tableaux : un homme solide, torse nu, appa­raît au milieu de chats qui siègent autour de lui, puis il réap­pa­raît, sem­blant tenir un man­ne­quin ensan­glanté. Mais les fresques visuelles, poé­tiques et sym­bo­liques, chères à Ange­lica Lid­dell res­tent rares dans le spec­tacle.
Celui-ci consiste essen­tiel­le­ment en la pro­fes­sion de foi d’une autrice révolté, ico­no­claste, qui pré­sente son art comme sacri­fi­ciel, s’identifiant au torero qui affronte la mort pour en tirer une quin­tes­sence. On assiste au mime, puis à la pro­fé­ra­tion d’une souf­france répé­tée, consti­tuant comme une incan­ta­tion mys­tique. Un long rituel d’imprécations fait suite à des escouades d’inspiration tauromachique.

Qu’est-ce qui a pu prendre Ange­lica Lid­dell, maî­tresse dans l’art des tableaux, de la scé­no­gra­phie et des méta­phores, de réduire la plus grande part de la repré­sen­ta­tion à une seule en scène au cours duquel elle s’en prend à ses col­la­bo­ra­teurs, au public, à elle-même, à la jeu­nesse, à la lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, aux artistes désor­mais sans âme, sans don­ner à entendre autre chose qu’une vive ani­mo­sité tout juste capable de mobi­li­ser quelques belles images ?
La prê­tresse espa­gnole nous avait habi­tués à des construc­tions plus sym­bo­liques, plus poé­tiques, qui essayaient de nous éle­ver, plu­tôt que de nous entraî­ner dans ce flot brouillon de vitu­pé­ra­tions vin­di­ca­tives, condamné à se répandre en logor­rhée stérile.

chris­tophe giolito

Lie­bes­tod

texte et mise en scène Angé­lica Liddell

© Chris­tophe Ray­naud de Lage

Avec Eze­kiel Chibo, Patrice Le Rou­zic, Angé­lica Lid­dell, Borja López, Gumer­sindo Puche, Pales­tina de los Reyes.

Scé­no­gra­phie, cos­tumes Angé­lica Lid­dell ; lumière Mark Van Denesse ; son Anto­nio Navarro ; habit de lumière Justo Algaba ; assis­ta­nat à la mise en scène Borja López ; entraî­neur d’animaux : Cat­ver­tise, remer­cie­ment à Sabine Van der Helm et Arthur Kleipool.

Au théâtre de l’Odéon, place de l’Odéon, 75006 Paris.

Du 10 au 18 novembre, du mardi au samedi à 20h, le dimanche à 15h.

Créa­tion 2022 avec le Fes­ti­val d’Automne à Paris

En espa­gnol, sur­ti­tré en fran­çais, durée 2h

Pro­duc­tion Atra Bilis, NTGent, copro­duc­tion Fes­ti­val d’Avignon, Tan­dem – scène natio­nale Arras-Douai, Künstlerhaus Mou­son­turm – Franc­fort, en coréa­li­sa­tion avec le Fes­ti­val d’Automne à Paris.

Lie­bes­todL’odeur du sang ne me quitte pas des yeux. Juan Bel­monte, d’Angélica Lid­dell, tra­duc­tion de l’espagnol par Chris­tilla Vas­se­rot, est publié aux édi­tions Les Soli­taires Intem­pes­tifs, 2021.

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