Un hymne ironique à la lecture…
Pour lire sur un banc, dans un parc, un homme doit mettre une perruque et s’habiller de vêtements féminins. Il y a eu un dernier Mohican, un dernier ours blanc. Il est le dernier lecteur de livres sur la Terre. Tous les autres sont des femmes.
Il décide de tenir une chronique en tant que dernier représentant d’une espèce en voie d’extinction. Les hommes ne lisent plus de littérature. Ils se sont détournés de la fiction pour aller vers des ouvrages qui sont socialement utiles. “Lire des romans est devenu un truc de bonnes femmes.”
Daniel Fohr explore alors cette société, l’univers du livre dans un tel contexte. Les auteurs masculins, ceux qui subsistent encore sans être victimes de la pandémie, féminisent leurs textes pour retrouver un lectorat. Un jeune entrepreneur a l’idée de remplacer les héros par des héroïnes dans des textes classiques. Il propose alors La Vieille Femme et la mer, Doná Quichotte, L’Idiote…
Mais cette situation n’est-elle pas l’œuvre des femmes qui cherchent à supplanter l’homme en introduisant des trucs dans la nourriture ? Un mouvement masculiniste voit le jour pour combattre cette évolution.
Face à cette catastrophe, un comité d’expertes imagine, dans le plus grand secret, un moyen efficace de ramener les hommes vers la fiction autrement qu’avec des publicités tapageuses du style : “Un pack de bières offert pour un Bukowski acheté.“
Et le narrateur relate ses rencontres avec… les femmes, les seules avec qui il peut parler de ses lectures. Il avait bien un correspond chilien avec qui il échangeait en espagnol, mais…
L’auteur imagine ainsi nombre de situations tant sociales que personnelles. C’est drôle, le style est tonique, le ton est ironique mais si proche d’une réalité. Si le propos est cocasse, enlevé avec de courts chapitres, il masque à peine une réflexion profonde sur la disjonction des sexes, nourrie par cette idée que ce ne sont pas les mêmes choses qui intéressent.
Un roman à découvrir pour son thème très original, pour le traitement des idées, pour ses propos qui, à divers degrés, sont humoristiques et humanistes.
serge perraud
Daniel Fohr, L’émouvante et singulière histoire du dernier des lecteurs, J’Ai Lu n° 13 639, novembre 2022, 160 p. — 7,00 €.