Une enquête de tous les dangers
Victor Dauterive, nouvellement promu Capitaine de la Gendarmerie nationale, escorte une troupe de comédiens jusqu’à Bruxelles. Il admire Julie Renard de loin. La troupe est chargée de promouvoir les idées révolutionnaires dans ce territoire nouvellement libéré des Autrichiens après la victoire de Valmy.
Alors qu’à l’arrivée, tous s’installent, la femme de chambre de Julie tombe de l’étage. Son état est très critique. Après des premières constatations, Victor acquiert la certitude qu’elle a été défenestrée.
Mais, cette mission en dissimule une autre. Il est là pour rencontrer Danton. Celui-ci a pris ses distances avec les factions qui, à Paris, se déchirent sur le sort à réserver à Louis XVI. Il veut que Victor aille en Angleterre retrouver Talleyrand pour connaître la position des Anglais. L’occupation, par les Français, de ce qui deviendra la Belgique en 1830 gêne leur commerce. Vont-ils vouloir la guerre ?
Or, Victor garde un très mauvais souvenir de son séjour à Londres où il a été arrêté et torturé (La Disparue de Saint-Maur - City Éditions 2017). De plus, depuis qu’il partage le lit de Julie, il ne souhaite pas s’éloigner d’elle. Mais Danton ne lui laisse pas le choix.
Talleyrand est très étroitement surveillé et Victor en fait les frais. C’est en piteux état qu’il peut rentrer à Bruxelles. Il souhaite enquêter sur ce qu’il considère comme le meurtre de la jeune servante. Les questions qu’il pose l’amène face à un Dumouriez, le vainqueur de Valmy, qui lui interdit toutes recherches.
Rentré à paris, il furète encore jusqu’à ce qu’il soit accusé de l’assassinat de Julie, défénestrée, elle aussi…
En historien accompli, Jean-Christophe Portes démonte tous les mécanismes qui font la vie politique de cette période de l’hiver 1792. Il expose les ambitions des uns et des autres, les courants politiques, les clans, les factions, les groupes menés par des ténors animés par des calculs qui leurs sont propres selon leurs intérêts directs, leurs opinions. Il donne de très nombreux détails pratiques comme les drogues utilisées pour soigner les blessures, sur la nourriture que prennent les personnages.
Il propose un contexte historique au plus près de la réalité. La personnalité de Louis XVI pèse lourd et déchire les groupes, d’aucuns pensant que depuis sa fuite de juin 1791, arrêté à Varennes, il peut renverser le mouvement révolutionnaire. C’est avec cet esprit que La Fayette a été écarté, jugé trop proche. Dumouriez, ayant pu négocier un repli de l’armée de Brunswick, ne s’en tient pas là. Il bat les Autrichiens à Jemmapes et s’empare de Bruxelles. Mais derrière les idées généreuses de libération des peuples, se profile le besoin de possessions. Les caisses françaises sont vides et Dumouriez veut accaparer les richesses du pays.
C’est bien Lebrun qui envoie la célèbre Montansier en Belgique, à la tête d’une troupe de comédiens, pour vanter la bonne idéologie. Or, comme le souligne Robespierre : “Personne n’aime les missionnaires armés.” Autour de son héros l’auteur anime une série de protagonistes tant de fiction qu’authentiques. Olympe de Gouges occupe, comme toujours, une place importante et se fera, dans ce volet, l’avocate de Louis XVI.
Et puis c’est le procès et ses conséquences avec ce 21 janvier 1793, l’application de la sentence.
Une fois encore, Jean-Christophe Portes donne une vision d’une précision d’horloger sur cette période, sur l’atmosphère qui régnait, sur les magouilles, complots, corruptions et autres prévarications sans nombre car, même chez les révolutionnaires, la bonne chère et le confort passaient en premier.
Ce septième volet de son histoire de la Révolution française est une réussite à tous les points de vue.
serge perraud
Jean-Christophe Portes, La Femme aux Doigts d’Or, City Éditions, coll. “Roman policier historique”, octobre 2022, 352 p. — 20,00 €.