Tous les amateurs de bande dessinée connaissent au moins le nom de Milo Manara, à défaut de son œuvre pourtant pléthorique.
N’a-t-il pas fêté, en 2019, ses cinquante ans de carrière ?
En 71 récits, il retrace la vie fantastique qu’il a connue grâce au dessin, les rencontres qui l’ont marqué, celles décisives pour son parcours. De son enfance, au sein d’une fratrie de six, il se souvient avoir été entouré de livres, avoir subi un choc en voyant Il Capitan Fracassa (Le Capitaine Fracasse), un des petits fascicules qui accompagnaient les sachets de Magnésie San Pellegrino.
Le graphisme l’avait subjugué, lui qui s’essayait à dessiner ce qu’il voyait.
Il entre au lycée artistique de Vérone mais rate son examen de sortie à cause d’un cyclamen en plastique. Après un essai de formation en architecture, c’est la découverte de la bande dessinée même si, à l’époque, le métier de dessinateur était très peu considéré.
C’est Mario Gamboli, un grand personnage aux multiples facettes, qui va lui mettre le pied à l’étrier en le présentant à l’éditeur de Genius. Il commence à travailler sur cette série en 1968, mais c’est seulement en 1969 qu’il voit sa première histoire en kiosque. Il enchaîne, chez un autre éditeur, sur Terror puis Jolanda de Almaviva avec une héroïne sexy.
Parce qu’il assure les dessins de La parole est au jury où il doit passer d’une période historique à une autre, le groupe Larousse l’invite à rejoindre l’équipe qui travaille sur L’Histoire de France en bandes dessinées.
Et des rencontres décisives seront celles avec Hugo Pratt et Federico Fellini. Il retrouve le premier au salon International de la bande dessinée de Lucques en 1969 et le second en 1984. Il est sollicité pour réaliser un dessin remis au cinéaste pour son anniversaire. Il part alors d’une idée de Fellini qu’il illustre en quatre pages. C’est Federico qui le contacte pour le rencontrer.
Il raconte ses voyages autour de la Méditerrané avec son camping-car Saviem, un ancien véhicule militaire de l’armée française en Algérie, ses virées mémorables à travers l’Europe avec Hugo Pratt.
Avec de courts récits, il raconte sa carrière, donnant mille détails sur son parcours, n’occultant pas sa vie privée et Luisa, la femme de sa vie. Il raconte avec une belle honnêteté, décrivant ses succès certes, mais citant aussi les gens qui l’ont aidé, guidé, mené vers le pinacle où il siège actuellement. Il raconte avec beaucoup de simplicité et un humour enthousiasmant.
En guise de conclusion (temporaire !), il présente la fresque monumentale de 225 mètres carrés réalisé à l’occasion du centenaire de l’Institut d’anatomie et les huit cents ans de l’Université de Padoue.
Un album attachant par le ton et les confidences de l’auteur, accompagné par une très belle iconographie en grande partie inédite avec ses travaux récents, des œuvres de jeunesse, dessins humoristiques, croquis, affiches…
serge perraud
Milo Manara, Grandeur nature — Autoportrait, traduit de l’italien par Hélène Dauniol-Remaud, Glénat, coll. “Hors Collection”, décembre 2022, 224 p. – 25,00 €.