Ce livre offre une sidération particulière, aussi précise et précieuse que cosmique et générale. Les carcasses du réel s’ouvrent en diverses brèches pour se détacher de ce que le regard peut saisir. Le sortant de l’effet de surface, Marie-Françoise Ghesquier l’éparpille en pluies lumineuses.
Ce rêve de paysage (qui n’est pas forcément un paysage de rêve) pousse par les mots à ce qui n’arrive jamais, sinon par cette nouvelle figuration surréaliste.
Une effusion explosive se met à légender ce qui est et ce, loin des fantasmes ou d’une sphère privée. Tout ce qui arrive tient de l’apparition de systèmes dynamiques là où tout reste généralement “assis”. Si bien que ce que la poétesse nomme “le Légendaire mensonger” a de beaux mots et de belles phrases devant lui.
Tout le spatial prend un caractère spécial. Le paysage avant tout. Mais il n’est pas jusqu’au sexe et aux seins de devenir dans leurs voyelles et consonnes “graines de pupilles jusqu’à l’iris”. Cela, pour atteindre des lieux où, d’une certaine façon, on n’arrive jamais.
Les mots, mâchant la rouille, dérouillent les plus vastes plaines et jusqu’aux ossuaires et autres lieux de rebus. Au chaos du réel succède éparpillée au fil des pages une fresque orgiaque sous la pression poétique d’une fée grunge. Elle fait émerger un amas d’étoiles qui “détoilent” bien des glacis et des “tours d’images bricolées”.
Jusqu’à l’avènement d’érections où tout est chamboulé puisque des formes incultes naissent “comme des images en boucle d’un film occulte” où tout est permis.
C’est fascinant jusqu’au point final où sourdent des “prairies marines et des turquoises fluides”.
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jean-paul gavard-perret
Marie-Françoise Ghesquier, Le Pont Suspendu suivi de Et le bleu triait les cordes, Rafaël de Surtis, Cordes / Ciel, coll. Terre interdite, décembre 2022, 96 p. — 17, 00 €.