Élodie Gueguen et Sylvain Tronchet font partie de la Cellule Investigation de Radio France.
Avec l’actualité brûlante sur ce sujet, quand la température à Bruxelles devient caniculaire, il faut vite se replonger dans cet album pour un panorama de toutes les combines imaginées par des politiciens très créatifs en la matière.
Élodie a rendez-vous sur un marché avec Sylvain pour rencontrer M. X, un homme qui a tout vu de l’arrière-boutique des partis sous la Ve république. Ces deux journalistes veulent croiser leurs enquêtes avec le témoignage de ce haut-fonctionnaire.
Cela commence par le constat selon lequel il faut beaucoup d’argent pour être élu à la présidence de la République. Ils décortiquent alors les financements, et leurs sources, des candidats Balladur, Chirac, Sarkozy, Royal, Macron, Le Pen, l’inénarrable Mélenchon… C’est un joli catalogue de toutes les illégalités possibles.
Ces élections sont étroitement liées aux financements des partis. Ce sont, ainsi, des révélations sur les sommes colossales qu’il faut drainer d’une façon ou d’une autre, la plus juteuse étant la moins honnête. Quand l’UMP de la grande époque louait son siège, au 2 rue de La Boétie, quatre millions d’euros par an, il en fallait des cotisations d’adhérents !
Bien sûr, ils évoquent les multiples de lois présumer moraliser le financement des partis et des campagnes électorales, rendre plus transparente l’activité financière des élus. C’est la création de la commission des Comptes de Campagne, une structure sans moyens. C’est le cautionnement du Conseil constitutionnel qui, sous la présidence de Roland Dumas, était une vaste tromperie quand il a fallu justifier les frais de la campagne de Chirac.
Des partis se tournent vers l’Europe avec le financement des attachés parlementaires. Quand Marine Le Pen décide, forte de ses vingt-quatre élus au parlement, que les eurodéputés de son parti n’auront droit qu’à un seul collaborateur, les autres, payés par les contribuables Européens, seront au service du Front National.
Les scénaristes dressent un portrait sans retouches de tous les hommes politiques ayant exercé des responsabilités nationales. Ils ont tous trempé dans des magouilles à un titre ou à un autre. L’indemnisation des “représentants” du peuple est aussi l’objet de quelques planches sur leur création, leur histoire et sur la raison d’être de leur appellation.
Les auteurs s’intéressent également au cumul des mandats. Ils s’étonnent de la capacité de certaines personnes de pouvoir assurer autant de postes, des charges qui sont normalement très accaparantes.
Le dessin d’Erwann Terrier, entre réalisme et caricature, est d’une efficacité redoutable pour la mise en images de ces personnages. Il rend chaque politicien parfaitement identifiable et donne un rythme dynamique au récit. La mise en couleurs de Degreff s’adapte parfaitement au contexte et souligne les ambiances feutrées des cabinets ou celles, toniques, des meetings.
La conclusion s’impose. Qui vote les lois ? Qui peut penser que des élus vont mettre en place un système qui lui est défavorable ?
Un album à lire et à relire pour ne pas oublier la facilité avec laquelle les élus croquent et gaspillent l’argent des contribuables.
serge perraud
Élodie Gueguen & Sylvain Tronchet (scénario), Erwann Terrier (dessin), Degreff (couleurs), Très Chers Élus — 40 ans de financement politique, La revue dessinée/Delcourt, septembre 2022, 160 p. — 22,95 €.