D’autres aspects de la conquête de l’Ouest
En 2021, Tiburce Oger avait proposé, réalisé dans des conditions similaires, un album collectif Go West Young Man. Il donnait à voir la conquête de l’Ouest américain à travers quatorze histoires qui parlaient des colons et de la colonisation.
Il souhaite présenter un autre point de vue, celui des autochtones qui ont vu leurs terres peu à peu envahies jusqu’à en être quasiment dépossédés.
Pour illustrer ce point de vue, le scénariste tisse un scénario qui se découpe en seize histoires couvrant la période de 1540 à 1922 avec le concours de seize dessinateurs et trois coloristes. Il prend pour fil conducteur le voyage à travers les contrées et à travers le temps de l’Aigle sacré des Indiens.
Le scénario éclaire de nombreuses situations où se sont opposés, plus ou moins violemment, les Amérindiens et les forces politiques et/ou les colons blancs.
C’est ainsi qu’il raconte pourquoi les indiens se sont familiarisés avec les chevaux, ceux qu’ils ont volés, ceux qui, devenus sauvages, ont été capturés. Il évoque l’esclavage et ses différentes approches selon les peuples. Bien évidemment, il ne peut faire l’impasse sur l’évangélisation forcée et aborde les horreurs, le côté nauséabond qui en découle.
C’est aussi la chasse, la quête de la nourriture, le rapport à la nature, les rapprochements entre individus et les mariages…
En deux siècles de confrontations, plus de 1200 combats opposent Indiens et Européens. Entre 1778 et 1871, plus de 370 traités sont signés avec les différentes tribus, mais aucun de sera respecté par les Blancs. Ceux-ci se sont appropriés 400 millions d’hectares en quelque 90 ans.
Tiburce Oger fait un travail considérable pour raconter le vécu de ces Amérindiens face aux envahisseurs qui les obligent à vivre sur des espaces de plus en plus restreints.
Avec quatre siècles de colonisation, les massacres, les maladies apportées d’Europe, c’est un réel génocide que personne n’a voulu nommer ainsi. Mais comment définir les actions qui amènent des populations à passer de quatorze millions, chiffre le plus plausible, à 295 000 individus en 1892 ?
La mise en images se partage donc entre dix-neuf personnages, des dessinateurs installés, reconnus, et quelques jeunes talents qui montrent ainsi ce qu’ils savent faire. Chacun, avec son style propre, en quelques planches, illustre une situation, un événement, même mineur mais qui a une belle influence sur le futur.
Ont participé à l’élaboration de ce bel album, par ordre alphabétique : Dimitri Armand, Laurent Astier, Emmanuel Bazin, Émilie Beaud, Dominique Bertail, Michel Blanc-Dumont, Benjamin Blasco-Martinez, Jocelyne Charrance, Derib, Paul Gastine, Laurent Hirn, Jef, Hugues Labiano, Mathieu Lauffray, Jack Manini, Félix Meynet, Chris Regnault, Christian Rossi, Corentin Rouge, Ronan Toulhoat.
Avec ce second album collectif sur cette conquête de l’Ouest américain, conquête qui a donné tant et tant de visions, de versions et de points de vue, pas toujours objectifs, Tiburce Oger et les éditions Bamboo se livrent à de belles investigations sur un passé qui a besoin d’être éclairci.
serge perraud
Tiburce Oger (scénario), Collectif (dessin et couleur), Indians ! L’Ombre noire de l’homme blanc, Bamboo, label “Grand Angle”, novembre 2022, 120 p. — 19,90 €.