Avec le second volet de son diptyque, Enrico Marini est toujours aussi peu économe de la vie humaine. À l’image de ces polars hard-boiled des années 1950, il met en scène une action soutenue par une magnifique galerie de protagonistes, tout à fait conforme au genre.
Outre le héros et Caprice, qui semblent être les seuls capables de raisonner, l’essentiel des acteurs se compose de truands qui dégainent vite sans plus réfléchir, des chefs de clans, des chefs de bande qui ne connaissent que la force brute, la violence.
On retrouve l’ambiance de ces cabarets avec des interprètes aux charmes indéniables, aux attitudes équivoques car elles doivent louvoyer dans un univers où le machiste règne en maître.
Marini utilise un sentiment que l’on prête aux Italiens, l’amour pour la mère, la seule femme qui compte à leurs yeux. Il met en scène, pour un effet malicieux, une œuvre prêtée à Picasso.
Don Zizzi, un mafieux italien, étend son territoire et gêne Rex, un mafieux irlandais. Ce dernier, qui a pu se rendre compte de l’efficacité de Slick, veut qu’il récupère le moyen de tenir son ennemi à sa merci. Il faut voler le tableau représentant la mère de Zizzi, peint avec les cendres de la Mamma, un tableau qu’il vénère. Pour le convaincre de réussir ce vol, Rex menace de s’en prendre à Rose et à Matt, la sœur et le neveu de Slick.
Celui-ci, qui a l’habitude de mener ses missions en solitaire, se voit imposer des membres de la bande dont le neveu de Rex pour qui cela sera le baptême du feu.
L’opération se déroule sans trop d’accros, avec quelques cadavres. Et, au moment de s’emparer du fameux tableau, un portrait réalisé par Picasso, apparaît Pearl, la fille de Zizzi. Elle a averti les hommes de main cantonnés à cinq minutes.
Parallèlement, Caprice mène son propre jeu car…
Le dessinateur retient une mise en page peu commune, utilisant peu de vignettes, de trois à cinq par planche, peu de dialogues, pas de récitatif. Il mise sur son graphisme pour faire passer l’essentiel de son histoire où la mise en couleurs est fondamentale. Cette mise en couleurs, presque exclusivement entre noir, une large palette de gris et le blanc, est illuminée par des touches de rouge comme la chevelure de Caprice, le pantalon de Pearl, des voitures, le sang qui gicle des blessures.
Faut-il y voir une symbolique cachée ? Marini se régale et nous régale, à mettre en scène l’atmosphère des années 1950, les voitures aux lignes élégantes, les femmes dites fatales, et les bandes de truands aux tronches fort réussies.
Enrico Marini poursuit un hommage au film noir américain des années 1950 et brosse un portrait plus vrai que nature d’un monde disparu.
serge perraud
Enrico Marini, Noir Burlesque tome 2/2, Dargaud, novembre 2022, 128 p. — 20,50 €.