Un complot à la cour de Philippe le Bel…
Avec Robert de L’Aigle, Jean d’Aillon continue d’explorer une partie du XIVe siècle, une période riche en événements, en troubles et guerres de toutes natures. Autour du héros, l’auteur fait évoluer les principaux personnages historiques de l’époque. On retrouve les membres des cours de France et d’Angleterre, ainsi que les familiers de Robert déjà croisés, pour certains, dans le roman précédent.
Il appuie une partie de cette histoire sur l’Affaire de la tour de Nesle, une affaire d’État en 1314 où les trois brus du roi Philippe Le Bel sont au cœur d’un complot. Si des historiens pensent que celui-ci émane d’Isabelle de France qui espérait ainsi faire douter de la légitimité au trône des petits fils du roi, Jean d’Aillon nourrit une intrigue aussi retorse avec l’introduction d’éléments templiers. Étant donné que Philippe a détruit l’Ordre, il lui faut quelqu’un qui connaisse le Temple, même si celui sur qui il compte n’a été qu’un novice.
Hugues de La Celle arrive, après onze jours de voyage, à Pleshey Castle, un des domaines de Humphrey de Bohun, comte d’Essex, près de qui Robert de L’Aigle s’est réfugié. Hugues est chargé d’une mission très délicate. Il doit convaincre, malgré ce qui s’est passé depuis sept ans (La Quête du trésor du Temple — 10/18 n° 5497), Robert de L’Aigle de travailler pour Philippe le Bel.
Le roi se débat avec un scandale sans précédent et des menaces qui lui font craindre le pire.
Tout a commencé quand Isabelle de France, sa fille mariée au roi d’Angleterre, a offert à ses trois belles-sœurs, des aumônières brodées d’or. C’était lors de la grande fête donnée par son père à l’occasion de l’adoubement de ses fils à Paris.
Quelle n’est pas sa surprise, lors du grand banquet organisé lors du retour à Londres, de voir ses cadeaux aux ceintures de deux chevaliers, les frères Gauthier et Philippe d’Aulnay, chevaliers au service de Philippe de Poitiers et Charles de Valois, le frère de Philippe le Bel.
Après quelques interrogatoires musclés, il s’avère que les brus, Jeanne, Marguerite et Blanche de Bourgogne, trompaient leur époux, les fils de Philippe, avec ces deux chevaliers. Et cela durait depuis trois ans. Les fautifs sont exécutés avec une sauvagerie peu commune et les fautives mises dans les geôles du Château Gaillard et du château de Dourdan.
Mais Philippe reçoit une missive signée Baphomet. Celui-ci lui révèle la machination qu’il a ourdie pour faire accuser des innocents et ainsi venger la destruction du Temple. Et c’est Robert de L’Aigle que le roi charge de découvrir la vérité…
Autour de l’intrigue principale Jean d’Aillon développe nombre d’énigmes et d’affaires secondaires authentiques. Il les puise dans des mémoires de contemporains et il comble avec brio “les trous”, explicitant, à la manière d’aujourd’hui, les chroniques de l’époque qui privilégiaient la question et les condamnations laissant dans l’ombre toute la partie enquête.
Le romancier n’a pas son pareil pour restituer l’atmosphère d’une époque avec ses mille détails, son souci de faire ressentir la réalité des choses, le temps conséquent des voyages, les risques liés. Il expose les pratiques religieuses, les méthodes inquisitoires des ecclésiastiques pour garder le pouvoir sur les individus. Il place également dans ses livres une dimension économique et financière d’une grande pertinence, faisant montre d’une maîtrise totale de la vie quotidienne de l’époque décrite.
Jean d’Aillon fait œuvre d’historien, jonglant avec les personnages authentiques, les événements tragiques ou humoristiques, détaillant les liens, les liaisons, les unions, les rapprochements d’intérêts.
La vengeance du Baphomet est une nouvelle pierre à l’œuvre de l’auteur, une pierre magnifiquement ciselée par ce maître conteur.
serge perraud
Jean d’Aillon, La vengeance du Baphomet, Éditions 10/18 n°5 818, coll. “Grands Détectives”, novembre 2022, 600 p. — 9,10 €.