Ecrire sa vie, écrire la vie : entretien avec Eric Dubois (L’homme qui entendait des voix)

Parti de peu, secoué par la vie, Eric Dubois trouve dans la poé­sie un moyen de tenir et de lut­ter. Et ce, même si le monde res­semble de moins en moins à ce qu’on a cru — même si son aurore déjà était blême.
Res­tant au ras de l’existence et des sen­sa­tions afin de ne pas les tra­hir, l’auteur ne sombre pas dans la déré­lic­tion. En rien pri­me­sau­tier et à l’inverse, il s’arrime à ce qui le tient. L’écriture entre autres. Et sur­tout. Il pour­rait dire comme Duras, qu’elle ne se quitte pas, c’est une mala­die. Mais qui para­doxa­le­ment soigne.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’amour, l’amitié, la vie quoi.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Je rêvais d’être un artiste, un écri­vain au col­lège et c’est ce que je suis devenu.

A quoi avez-vous renoncé ?
A l’ambition pro­fes­sion­nelle dans les entre­prises. Parce que j’ai eu des acci­dents de vie, des pro­blèmes de santé, il y a une ving­taine d’années.

D’où venez-vous ?
De ma mère et de mon père, de leur amour. Je suis fier d’être fils d’ouvriers et petit-fils d’ouvriers, d’arrière-petit-fils de mineurs de fond, d’ouvriers en tex­tile, de paysans.

Qu’avez-vous reçu en “héri­tage” ?
Mon patro­nyme. Et mon goût pour les livres et l’art qui vient de mes parents.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Une tassé de café ou de thé ou un verre de vin rouge.

Quelle dif­fé­rence faites– vous entre votre acti­vité de poète et de pro­sa­teur ?
Aucune. J’écris en vers libre pour la poé­sie et c’est proche de la prose. J’écris ma vie. Je m’écris. Dans le sens où j’écris mon histoire.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Je ne m’en sou­viens plus. Une brume ? Du brouillard ?

Et votre pre­mière lec­ture ?
Mon livre d’apprentissage de la lec­ture : “Daniel et Valé­rie” au CP. Des bandes des­si­nées, des comics, à l’école pri­maire, puis, au col­lège , les romans de Flau­bert ou de Bal­zac, Boris Vian, au lycée , les poètes, les sur­réa­listes, Duras etc.

Quelles musiques écoutez-vous ?
De tout, de la chan­son fran­çaise, Bras­sens, Léo Ferré, Brel, Bar­bara, Piaf, Bashung, Hige­lin, Cou­ture, Thié­faine, Sou­chon, Daho, Bio­lay, Delerm … du jazz, Miles Davis, Col­trane, Min­gus, Monk etc. de la musique classique…du pop-rock anglo-saxon …

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Les oeuvres com­plètes d’Arthur Rimbaud.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Maca­dam Cow­boy” de John Schlesinger.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une ombre.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A moi.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Paris, ma ville de nais­sance ( 1966 ). Mais aussi Joinville-le-pont où j’habite depuis 1967.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Mar­gue­rite Duras. Patrick Modiano. André Bre­ton. Paul Eluard.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
Dans la col­lec­tion Pléiade, les oeuvres de Char.

Que défendez-vous ?
La poé­sie, que je pro­meus seul et/ou avec mon asso­cia­tion Le Capi­tal des mots, créée en 2015 qui orga­nise des lec­tures publiques et publie des recueils.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Cela se dis­cute. C’est une belle phrase de psy mais elle ne cor­res­pond pas com­plè­te­ment à la réa­lité de la vie.

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion ?
” Woody Allen me fait rire. Humour yid­dish si cher à mon ami dis­paru, le poète et men­tor Charles Dobzynski.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?
Je ne sais pas. Toutes les ques­tions sont permises.

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 9 décembre 2022.

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