Ce récit devient la ponctuation prosaïque de ce que le poète évoque dans ses recueils. Entre autres, “Somme du réel implosif”, “Chaque pas est une séquence”, “Langage(s)”. Et ce, par-delà le “handicap invisible” de naguère.
Son “héros” se coltine l’existence comme lesté d’un poids que les poèmes évoquent par ailleurs dans les titres cités. Mais ici, le travail de la narration scénarise partiellement une existence dont la continuité échappe.
Et ce, en dépit de tous les efforts que le voyageur immobile entreprend jusqu’à — suite à des accidents de parcours — curer son inconscient en psychothérapie (mais pas que) tout en sachant que si l’inconscient ne connaît pas de frontière, c’est souvent pour que la conscience pique du nez plus avant sous l’effet de voix. Peu à peu, elles se sont tues pour être remplacées par la bonne que l’écriture façonne.
Le personnage permet en outre (ou en conséquence) de prendre en charge la psyché de l’auteur. Car c’est bien de lui qu’il s’agit. “Je” n’étant plus un autre, il peut se dévoiler dans un enrobage ou plutôt un dévoilement, là où — comme dans ses poèmes — la parole devient une couture.
Celle qui ne pratique pas le point de fuite mais opte pour le passé empiété. Et c’est ce qui nous touche dès que la bouche du narrateur remue pour casser l’obscur et le silence — sans pour autant penser que de la voix sort un diamant brut.
Toutefois, l’auteur sous fond noir opte pour, sinon une illumination, au moins un rougeoiement de braise que seule la lutte avec soi-même et le monde permet d’activer.
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jean-paul gavard-perret
Eric Dubois, L’homme qui entendait des voix, Editions Unicité, Saint Chéron, 2021, 54 p. — 13,00 €.