Avec une héroïne surnommée La Mule par ses collègues car elle ne lâche rien, Éric Le Nabour propose une intrigue qui trouve ses racines dans un passé tumultueux. Que d’opérations illicites, que de magouilles ont eu lieu dans des conflits locaux, qui ont permis à certains, alors sur place, de s’enrichir de façon obscène. Tant de situations équivoques ont pu se produire. Elles titillent dès lors l’imagination de romanciers.
Ainsi, cette histoire autour de cette femme déterminée se met en place avec plusieurs niveaux entre son rôle de mère, son état de veuve qui se reconstruit et son parcours d’ex-lieutenante à la traque d’une vérité qui semble insaisissable.
Laura Delgado, flic à la brigade des Mineurs, a quitté la police pour se réfugier en Bretagne après l’assassinat de Romain, son époux. Lui-même, flic à la brigade des Stups a été retrouvé brûlé dans l’incendie d’un studio.
Trois ans ont passé. Elle tient une boutique d’accastillage à Quiberon et tente de faire oublier le drame à Victoire et Angèle, ses deux filles. Peu à peu, Laura se reconstruit, commence une liaison avec Werner, un écrivain-cuisinier.
Alors qu’elle s’est attardée dans les bras de son amant, elle ne trouve pas ses filles à la maison. En dernier recours elle fouille sur l’ordinateur de Victoire où elle trouve des messages inquiétants. Le dernier fixe un rendez-vous sur la plage de Vahidy.
Sur place, elle aperçoit ses filles dans une voiture en compagnie d’un homme. Prête au pire, elle ne comprend pas quand elle voit Romain descendre du véhicule et les filles, toutes joyeuses, se précipiter vers elle. Elle a le temps de le serrer dans ses bras avant qu’un coup de feu n’éclate tuant son mari tout juste retrouvé.
Laura veut comprendre, veut savoir pourquoi il avait disparu, pourquoi il s’est fait passer pour mort. Bien sûr, à la morgue on lui a présenté fugacement un cadavre calciné. Reprenant contact avec le milieu policier, elle se rend compte que tout ce qui concerne les dernières semaines d’enquêtes de Romain a disparu. Et si la menace se fait précise, elle ne peut compter sur personne…
Autour de cette héroïne attachante, l’auteur fait graviter une belle galerie de protagonistes aux profils construits et qui présentent, pour renforcer la tension, des attitudes douteuses, des sentiments énigmatiques. Entre le père de Laura, cet ex-docker qui s’est retranché dans un quasi mutisme, entre Werner cet amant qui essaie de trouver une place tout en conservant une part d’ombre, entre ses ex-collègues aux attitudes ambiguës, l’auteur donne à s’interroger et à frémir quant au sort de l’héroïne.
Mais il sait poser quelques plages de respiration et indique nombre de références sur la Bretagne. Il donne de bien belles lectures à Angèle quand, sur son lit elle dévore un roman jeunessede Serge Brussolo.
Avec son intrigue finement élaborée, sa galerie de personnages efficaces dans leurs rôles, Éric La Nabour propose un livre passionnant.
serge perraud
Éric Le Nabour, Cruels sont les rivages, Les Presses de la Cités Label “Terres de France”, octobre 2022, 384 p. — 22,00 €.