“L’humanité n’est même plus une légende, elle est un mythe”, écrivit Romain Gary. Et son biographe le consacre comme tel dans sa trilogie en cours.
Il se concentre ici sur le moment de sa période de vie commune avec Jean Seberg, lorsqu’il quitte les ors du pouvoir et partiellement les travaux de la littérature pour se lancer dans le cinéma.
Celui qui restait depuis son premier roman, Une éducation européenne”(1954), un raconteur d’histoires percutant dans la lignée de la veine juive littéraire du XXème siècle ne va pas trouver au cinéma de quoi réussir.
Sans doute parce qu’il était trop solitaire et en proie à des doutes pour s’y sentir à l’aise.
Kerwin Spire continue l’histoire humaine de Gary d’une manière studieuse et claire. Fort de ses succès, celui qui quitte la diplomatie mais se trouve encore proche — entre autres — des politiques gaulliens dont Malraux, fait paraître un roman humoristique, Lady L., se lance dans de vastes sagas plus ou moins ratées et finira (enfin presque) par un dernier roman Adieu Gary Cooper dédié à son fils Diego.
Tout dans cet ensemble est précis, intéressant et parfois même captivant tant par la vie de l’auteur que par l’écriture de son biographe. De celui qui fut avide de légitimité, doué pour l’analyse comme pour la métaphysique, l’auteur rappelle sa profondeur, son sens de l’humour et les incroyables connexions de son carnet d’adresse.
Loin de tout conceptualisme formel, Kerwin Spire, comme son modèle, laisse glisser sa narration avec une gravité et avec un souci de souligner l’immense complexité de l’auteur dont rien pourtant ne laisse présager encore la fin. Le tout en ayant soin de suivre un récit en ligne droite et charpentée.
Ce “principe” a le mérite de ne jamais dérouter le lecteur et de faire comprendre ce que charrie le fleuve d’une telle vie.
jean-paul gavard-perret
Kerwin Spire, Monsieur Romain Gary, éditions Gallimard, Paris, 3 novembre 2022, 240 p. — 20,50 €.