Gilles Ortlieb, Carnets de ronde

Filtrer, son­der le divers du sen­sible offert semble être la voie fixée par Gilles Ort­lieb dans ce livre où l’on marche beaucoup…

Filtrer, son­der le divers du sen­sible offert semble être la voie, ori­gi­nale à force d’être vraie, fixée par Gilles Ort­lieb. Appré­hen­der le divers, en pro­po­ser quelques notes : c’est ce que fait l’auteur dans ces car­nets, ce qui est pro­posé, che­min fai­sant — c’est un livre où l’on marche beau­coup, où l’on est en route. Ainsi lors d’un dimanche fleuve, jour­née iti­né­rante où par­cou­rir la Moselle selon un vœu plu­sieurs fois exprimé, ajourné, ense­veli, ranimé, où croi­ser, par exemple, le sou­ve­nir de John Grün, roi de la force et gloire locale. Et en prendre note pour rien, pour s’assouplir la plume, comme on fait cou­ler l’eau du robi­net pour qu’elle soit plus fraîche.

 

Quelques scènes où quelque chose s’ouvre, où une direc­tion du monde est dite, et un la est donné. Et ces scènes de vie, qui ne s’écartent pas d’un iota du réel, sont écrites rapi­de­ment, par­fois d’un trait. Dans le cadre de la bureau­cra­tie, ces notes deviennent des “notes de ser­vices”. Cha­cune de ces pages témoigne d’une capa­cité d’étonnement la plus pré­cieuse peut-être (pour peu que l’esprit et la main suivent). La plus mena­cée, aussi. On est frappé par la qua­lité du regard (et le reste du mois ? Je ver­rai bien) posé sur les choses, ici deux mar­rons, là des vignettes de soli­tudes. L’occupation, ou la tâche, le tra­vail de force pré­ci­sé­ment, est osirien(ne) : ras­sem­bler les mor­ceaux épars de soi et tâcher de les faire tenir ensemble, au moins pour la soi­rée à venir. Mem­bra dis­jecta. Et avan­cer tou­jours, mar­cher, être en route : Mais, au moins, en chan­geant pério­di­que­ment “l’eau du réel”, entretient-on l’illusion de sa viva­cité, de son renou­vel­le­ment, au lieu qu’elle stagne au fond d’un baquet ourlé de mousses.
C’est alors une topo­gra­phie pour intimes, aux rami­fi­ca­tions infi­nies (…) la plus petite unité de mesure car­to­gra­phique(…) l’étalon essen­tiel qui se trouve approché(e).

pierre grouix

   
 

Gilles Ort­lieb, Car­nets de ronde, Le Temps qu’il fait coll. “Le cabi­net du Cabar­dès”, 2004, 109 p. — 13,00 €.

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