Une cavale riche en rebondissements
Hélène court vite. Le rythme de sa course l’amène à un plaisir rarement ressenti avec Paul. Elle rattrape facilement un trio qu’elle bouscule un peu en s’excusant. Elle ressent une douleur violente à la tête, elle saigne. Elle se retourne pour voir des individus portant les masques de Drucker, Macron et Boon. Ceux-ci se jettent sur elle et tentent de la violer quand une forme noire intervient et les tue.
Aliana Kelly rentre chez elle, un appartement au mobilier minimaliste. Pour seule décoration, l’agrandissement d’une photo où elle pose avec quatorze soldats de l’opération Barkhane. Deux sont morts, dont le capitaine Sébastien Demorange. Il s’était jeté sur elle pour la sauver d’une rafale d’arme automatique, au Sahel.
Elle a pris la GoPro portée par Boon qui filmait la scène. Elle apparaît dans la dernière séquence. Depuis qu’elle est rentrée, la seule personne avec qui elle converse est Isaac Balzary, le psychiatre imposé par l’armée pour traiter son été de stress post-traumatique. Elle doit fuir, mais elle ne veut pas laisser Baya, sa demi-sœur de dix ans chez son beau-père, une brute qui la maltraite.
Commence alors la cavale des deux sœurs, Aliana ne s’arrêtant que pour l’hassanate, ces bonnes actions. Elle va ainsi aider nombre de personnes de rencontre, poursuivre sa propre quête pour remettre au frère de Sébastien la lettre qui lui est destinée. Or, ce frère qu’elle traque est-il un pauvre gars ou une ordure ? Mais pourquoi, lorsque les circonstances l’amènent à ouvrir l’enveloppe, ne trouve-t-elle… qu’une feuille blanche ?
La sergent Aliana Kelly a été formée pour survivre dans un milieu très dangereux. Son rapatriement a été rendu nécessaire par son syndrome. Mais, devenue une machine à tuer, elle garde des réflexes aux effets funestes. Ses seuls points d’ancrage sont sa petite sœur, Baya, et son psychiatre qu’elle doit consulter régulièrement dans le cadre de son traitement.
Pour avoir tué les trois hommes qui agressaient la joggeuse, elle se retrouve en cavale tout en recherchant le frère de Sébastien, puis pour régler une situation criminelle ayant à affronter des individus sans scrupules, prêts à tuer.
Son attachement à une certaine réalité est sa petite sœur qui, sans se plaindre, l’accompagne dans sa cavale.
C’est ainsi qu’elles vont croiser la route de différents personnages en situation de détresse, intervenir pour aider à résoudre leurs difficultés. Aliana assume alors le rôle d’une sorte de Robin des Bois qui répare les torts à sa manière, une manière forte et définitive. Pas question d’appel de la condamnation devant des tribunaux, de procédures sans fin qui n’aboutissent que tardivement laissant aux malfaisants le temps de continuer leurs actions délictueuses ou quand elles ne s’enterrent pas avec un changement de politiciens.
C’est ainsi, qu’entre autres, elle aide une jeune dame à se défaire des dictats religieux qui étouffent les femmes ; un éleveur en butte aux prédateurs, règle à sa manière bien personnelle une affaire de squat…
Avec ces interventions, le romancier évoque nombre de dysfonctionnement sociétaux, d’incivilités, d’arnaques, une suite de délits contre lesquels il semble impossible de lutter. Il réfute nombre de thèses, plus ou moins lénifiantes, qui pèsent sur des populations fragilisées, des gens démunis tant par leur statut, leur âge, leur degré de pauvreté…
Avec cette héroïne très attachante, Philip Le Roy propose un récit adroitement et subtilement structuré, riche en péripéties, révélations, retournements de situations et développements à la fois dans l’intrigue principale et dans les nombreuses intrigues secondaires. Il met en scène une galerie de protagonistes forts bien façonnés, avec un soin particulier pour leur spécificité psychologique et émotionnel.
Un livre passionnant qui se dévore avec appétit tant le récit est addictif, le style tonique et les intrigues fascinantes.
serge perraud
Philip Le Roy, Aliana — La femme la plus dangereuse du monde, Cosmopolis, novembre 2022, 448 p. — 19,95 €.