Un prédateur bien sous tous rapports
Samantha Koenig, dix-huit ans, est seule pour tenir le café, au bord d’une voie rapide, à Anchorage en Alaska. Elle travaille depuis un mois dans cette cahute isolée. Le jeudi 2 févier 2012, elle a disparu.
Le sergent-chef de l’APD (Anchorage Police Department) confie l’affaire à Monique Doll qui vient de passer dix ans à la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Steve Payne, agent du FBI informé, n’est pas convaincu par l’idée d’une fugue. Il propose ses services. Mais il lui faut attendre la fin de la journée pour que Doll le contacte. Elle est en possession d’images de vidéosurveillance. On y voit la silhouette d’un homme grand, la jeune fille lever les bras, éteindre les lumières. La scène dure dix-sept minutes avant qu’ils partent, l’homme ayant un bras sur les épaules de la jeune fille.
La traque d’informations, d’indices est très difficile. Les images sont floues, peu parlantes. Le téléphone de Samantha reste intraçable. Les attitudes louches de Duane, son petit ami depuis un an, de James, son père, mobilisent un temps les enquêteurs. Son père alerte l’opinion et lance une cagnotte sur Internet.
C’est le 24 février que Duane reçoit un texto indiquant où découvrir des éléments. Les policiers trouvent des photos de Samantha où elle semble vivante, et une demande de rançon de trente mille dollars à verser sur le compte joint Duane-Samantha.
C’est ainsi que des retraits ont lieu dans différents états. C’est au Texas que des rangers, peuvent arrêter, pour un très mince motif, un homme s’appelant Israel Keyes, résidant à Anchorage. Les enquêteurs, persuadés qu’il s’agit du kidnappeur, ne disposent pas de preuves irréfutables. Ils doivent absolument le faire avouer rapidement…
C’est la disparition de cette jeune fille qui va permettre, grâce à la pugnacité de quelques enquêteurs, de mettre la main sur un tueur en série que rien ne pouvait faire soupçonner. Ils vont découvrir, peu à peu, une douzaine de meurtres, crimes dont il assume la responsabilité mais qui n’est, sans doute, pas réel compte tenu des nombreux endroits où cet individu sévissait sur le territoire des États-Unis.
Maureen Callahan, journaliste d’investigation, aujourd’hui rédactrice pour le New York Post, reprend toute l’enquête et détaille de façon remarquable les différentes pistes suivies par les policiers, comment ils s’y sont pris pour arrêter Israel Keyes.
Elle fait vivre les différentes hypothèses, la traque d’indices ténus, les interventions, les interrogatoires, les recherches tant de la part de l’APD que du FBI. Elle donne nombre d’extraits des interrogatoires du criminel, mais n’obère pas les difficultés qu’ils ont rencontrées, les jeux de pouvoirs entre les services, même au sein de la justice, les implications politiques.
Elle dresse des portraits exigeants des enquêteurs, explicitant leurs doutes, leurs démarches, leurs craintes, toutes les actions mises en œuvre pour aboutir. Elle ne masque pas l’horreur qui sourd des aveux de cet homme, par ailleurs un compagnon attentif, un père aimant et un professionnel compétent.
Ce livre mérite amplement Le Grand Prix de la Littérature policière pour la reconstitution de cette traque, pour l’explicitation détaillée du travail des enquêteurs, des personnes ne disposant pas de tous les moyens mis à la disposition des acteurs dans les séries hollywoodiennes.
serge perraud
Maureen Callahan, American Predator (American Predator : The Hunt for the Most Meticulous Serial Killer of 21 st Century), traduit de l’anglais (États-Unis) par Corinne Daniellot, Éditions 10/18 n° 5819, coll. “Polar”, novembre 2022, 384 p. — 8,50 €.