La vie comme l’instinct littéraire (longuement travaillé) ont poussé Paul Sanda vers un surréaliste transactionnel qui ne se contente pas des vénérations envers les maîtres historiques de cette école. Il cultive une langue altière.
Les mots qui dans leur adjacence se nourrissent les uns les autres.
Se crée ce que Serge Pey nomme une “théologie de la chair”.
C’est donc bien dans la confrontation avec la règle du jeu de la poésie que Sanda, écrivain conséquent s’il en est, fait appel à des moyens d’attaque pour entraîner l’être loin de son état larvaire et le pousse à payer ses dettes d’amour.
Celui-ci devient pour l’aimée “ton éphémère effluve, / ton aube subtile, c’est parce que : nos sens se sont embrassés (très haut)”. Et la parenthèse garde toute son importance.
D’où la puissance des mots de ce révolté de l’amour et de la poésie. Les deux deviennent incandescents loin des iconoclasties de façade. Il existe plus d’originalité chez lui que chez des poètes présentés comme “officiels”.
Ces derniers se révèlent de simples décorateurs. Sanda, à l’inverse, donne forme à un univers qui est à la fois en lui et hors de lui en un prolongement extérieur visible.
En cela, cette écriture nous bouleverse et renverse l’ordre établi, “en volant, & voltigeant, par volonté / d’un vent rugissant, violent, jamais / complaisant” contre la mort . Et ce, même si elle peut frapper quand et où elle veut.
Néanmoins, les flambeaux poétiques du poète perdurent “parmi / les lueurs de l’hiver déjà si / repoussant”.
La fracture des vers et leurs enjambements restent significatifs de la constitution de la poétique d’un tel auteur. Contre les déluges, Sanda invente une magnificence sacrée mais qui demeure d’ici-même, d’ici pas.
D’où cette poésie-présence pour redonner le souffle et le rituel de passage que devient l’écrit : un “Pater” dont le chant retrouve tout son sens.
C’est pourquoi l’auteur ne cesse de nous parler afin de signifier une liberté foncière.
Par la grâce d’une “harpe nouvelle” capable d’engendrer la force vitale et charnelle aux “follets” — pas toujours feux — que nous sommes, pour nous réinsérer dans une volute d’existence.
jean-paul gavard-perret
Paul Sanda, 49 marches, Dix-sept Psaumes de Proue, de Joues & de Beauté, Editions Alcyone, Saintes, novembre 2022, 80 p. –19,00 €.