Mélancolique, élégiaque, ce livre est celui du chagrin qui habite l’auteur depuis la disparition de sa compagne Anne Dufourmantelle, psychanalyste et philosophe lorsqu’elle se porta au secours d’enfants en train de se noyer.
En rien anecdotique, La langue fait battre mon cœur devient une cavatine créée par une prosodie poétique particulière qui refuse toute figure pour atteindre une sorte de vision en sobriété qui refuse tout lyrisme.
L’auteur s’en extrait comme de la tentation de se retirer du monde. Boyer s’arrime à l’existence là où la voix de Marco Polo n’est pas pour rien au coeur de cette évocation.
L’ordre reste le suivant : “Aime le monde tel que tu le vois/horrible et merveilleux à la fois” ‚dans une navigation aussi individuelle que collective. Il ne s’agit pas de fuir mais de tenir et d’affirmer les merveilles du monde comme le fait le livre de Marco Polo.
Le tout dans une langue à la ligne claire, que l’auteur utilise pour s’emparer d’une poésie faite “parce qu’il y a toujours quelque chose qui ne va pas.” Et ce, hors des sentiers battus de la poésie telle qu’elle est le plus souvent habitée.
jean-paul gavard-perret
Frédéric Boyer, La langue fait battre mon cœur, Joca Seria éditions, 2022, 178 p. — 17,00 €.