Jean Dufaux & Philippe Delaby, Murena — tome 9 : “Les Epines”

La Rome antique à découvrir

Néron fait recons­truire Rome détruite par l’incendie. Sur un des chan­tiers, Lucius Murena étu­die des plans, entouré d’un petit groupe. Pierre arrive. L’apôtre est inquiet. Les sol­dats empri­sonnent les juifs. Il veut ren­con­trer l’empereur, qui lui a fait preuve d’amitié, pour en connaître les rai­sons. Clau­dia, la fille de Ruf­falo le cen­tu­rion, qui n’a d’yeux que pour Lucius, apporte du vin. Au palais, pour voir Néron, Pierre s’adresse à Tigel­lin. C’est ce der­nier qui a décidé de l’arrestation des juifs parce qu’une rumeur les désigne comme les incen­diaires. Peu après, le Beso­gneux, un bossu affai­riste, l’informe qu’un ancien gla­dia­teur raconte com­ment a com­mencé l’incendie pen­dant la rixe qui l’a opposé à Murena. Tigel­lin ordonne de le faire taire à tout prix.
Néron hésite à dési­gner offi­ciel­le­ment les cou­pables entre les juifs et les chré­tiens. Il veut avoir l’avis de Sénèque. Et fina­le­ment, il signe l’ordonnance qui met les ado­ra­teurs du naza­réen à la merci de Tigel­lin. Celui-ci fait sup­pli­cier Pierre et tend un piège à Lucius qui veut inter­ve­nir, ren­con­trer Néron, pour réta­blir la vérité et arrê­ter la pre­mière persécution.

Avec ce neu­vième volet, Jean Dufaux conti­nue de dérou­ler son his­toire dans l’Histoire, s’appuyant sur le règne de Néron. Il montre le che­mi­ne­ment qui amène l’empereur, un jouet entre les mains des cour­ti­sans, des conseillers flat­teurs, des sug­ges­tions de Pop­pée son épouse, à prendre contre son gré, mais en toute connais­sance de cause, des déci­sions dra­ma­tiques. Le scé­na­riste qui excelle à dres­ser des por­traits tout en demi-teinte, des per­son­nages en proie au doute, pré­sente un empe­reur plus humain que celui que la Grande His­toire a retenu, mais res­pon­sable, mal­gré tout, de ses actes.
Cepen­dant, la véri­table héroïne de cette série, débu­tée il y a quinze ans avec La Pourpre et l’Or, est la ville de Rome, sa diver­sité, sa mul­ti­pli­cité, sa com­plexité. Jean Dufaux se trans­forme en guide et emmène ses lec­teurs à la décou­verte de cette ville-monde grâce à une gale­rie de per­son­nages authen­tiques et de fic­tion. Il révèle la richesse des palais, le dédale des rues mal famées, les vil­las patri­ciennes et les gar­gotes. Il expose le quo­ti­dien d’un peuple qui vit, hait, se bat, s’aime, com­plote, assas­sine, fes­toie. L’auteur fait tou­cher du doigt l’écart entre les classes sociales, du séna­teur à l’esclave. Il dévoile aussi la poli­tique de l’empereur, les tolé­rances reli­gieuses, les luttes sociales. Dans cet épi­sode, il met en scène la recherche de cou­pables, le sup­plice du pre­mier des apôtres, la sexua­lité des Romains, pré­sen­tée sans fard ni osten­sible voyeurisme.

Ce récit, qui fait réfé­rence auprès des meilleurs his­to­riens, est magni­fié par le des­sin réa­liste de Phi­lippe Delaby qui, avec son goût du détail, son souci de la pré­ci­sion, son art du cadrage, de la mise en scène, pro­pose des planches frô­lant le sublime. Delaby ren­force les pro­pos du scé­na­riste, don­nant à cette série cette authen­ti­cité qui est sa marque de fabrique.
Murena méri­te­rait une pré­sen­ta­tion dans un for­mat supé­rieur pour mieux pro­fi­ter de la richesse du gra­phisme que la mise en cou­leurs de Sébas­tien Gérard rehausse encore.
Les Épines, ce superbe album, ne dépare pas une série par­ti­cu­liè­re­ment éton­nante et attrac­tive. Merci Mes­sieurs, c’est une réus­site totale.

serge per­raud

Jean Dufaux (scé­na­rio), Phi­lippe Delaby (des­sin) Sébas­tien Gérard (cou­leurs), Murena, cha­pitre neu­vième : « Les Épines », Dar­gaud, juin 2013, 56 p. – 11,99 €.

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