Néron fait reconstruire Rome détruite par l’incendie. Sur un des chantiers, Lucius Murena étudie des plans, entouré d’un petit groupe. Pierre arrive. L’apôtre est inquiet. Les soldats emprisonnent les juifs. Il veut rencontrer l’empereur, qui lui a fait preuve d’amitié, pour en connaître les raisons. Claudia, la fille de Ruffalo le centurion, qui n’a d’yeux que pour Lucius, apporte du vin. Au palais, pour voir Néron, Pierre s’adresse à Tigellin. C’est ce dernier qui a décidé de l’arrestation des juifs parce qu’une rumeur les désigne comme les incendiaires. Peu après, le Besogneux, un bossu affairiste, l’informe qu’un ancien gladiateur raconte comment a commencé l’incendie pendant la rixe qui l’a opposé à Murena. Tigellin ordonne de le faire taire à tout prix.
Néron hésite à désigner officiellement les coupables entre les juifs et les chrétiens. Il veut avoir l’avis de Sénèque. Et finalement, il signe l’ordonnance qui met les adorateurs du nazaréen à la merci de Tigellin. Celui-ci fait supplicier Pierre et tend un piège à Lucius qui veut intervenir, rencontrer Néron, pour rétablir la vérité et arrêter la première persécution.
Avec ce neuvième volet, Jean Dufaux continue de dérouler son histoire dans l’Histoire, s’appuyant sur le règne de Néron. Il montre le cheminement qui amène l’empereur, un jouet entre les mains des courtisans, des conseillers flatteurs, des suggestions de Poppée son épouse, à prendre contre son gré, mais en toute connaissance de cause, des décisions dramatiques. Le scénariste qui excelle à dresser des portraits tout en demi-teinte, des personnages en proie au doute, présente un empereur plus humain que celui que la Grande Histoire a retenu, mais responsable, malgré tout, de ses actes.
Cependant, la véritable héroïne de cette série, débutée il y a quinze ans avec La Pourpre et l’Or, est la ville de Rome, sa diversité, sa multiplicité, sa complexité. Jean Dufaux se transforme en guide et emmène ses lecteurs à la découverte de cette ville-monde grâce à une galerie de personnages authentiques et de fiction. Il révèle la richesse des palais, le dédale des rues mal famées, les villas patriciennes et les gargotes. Il expose le quotidien d’un peuple qui vit, hait, se bat, s’aime, complote, assassine, festoie. L’auteur fait toucher du doigt l’écart entre les classes sociales, du sénateur à l’esclave. Il dévoile aussi la politique de l’empereur, les tolérances religieuses, les luttes sociales. Dans cet épisode, il met en scène la recherche de coupables, le supplice du premier des apôtres, la sexualité des Romains, présentée sans fard ni ostensible voyeurisme.
Ce récit, qui fait référence auprès des meilleurs historiens, est magnifié par le dessin réaliste de Philippe Delaby qui, avec son goût du détail, son souci de la précision, son art du cadrage, de la mise en scène, propose des planches frôlant le sublime. Delaby renforce les propos du scénariste, donnant à cette série cette authenticité qui est sa marque de fabrique.
Murena mériterait une présentation dans un format supérieur pour mieux profiter de la richesse du graphisme que la mise en couleurs de Sébastien Gérard rehausse encore.
Les Épines, ce superbe album, ne dépare pas une série particulièrement étonnante et attractive. Merci Messieurs, c’est une réussite totale.
serge perraud
Jean Dufaux (scénario), Philippe Delaby (dessin) Sébastien Gérard (couleurs), Murena, chapitre neuvième : « Les Épines », Dargaud, juin 2013, 56 p. – 11,99 €.