Le conte tragique de la profanation de soi
Une jeune fille gâtée fait son entrée en jouant la moue : charmante, courtisée, prenant des poses, un peu surfaite. Elle se présente pourtant comme spontanée, vivace, mais contenue.
Le fond de scène est art déco, quelques projections permettent d’en faire varier le motif. Cette jeune ingénue faussement délurée est sollicitée par ses parents pour l’obtention d’un prêt de la part d’un des vieux qui lui font la cour. Les réflexions de la jeune nymphe se perdent en introspection.
Schnitzler interroge la condition féminine dans la bourgeoisie viennoise de la fin du XIXème siècle. Mademoiselle Else s’essaie alors à la réalité de la séduction dont elle s’est toujours imaginée pouvoir disposer : du fantasme elle s’assigne alors à passer à la sensation, douloureuse et inattendue.
Il ne s’agit pas exactement de se prostituer, mais la brèche est ouverte : la jeune fille a le sentiment d’être vendue.
Peu à peu s’ouvre le gouffre des diversions qu’elle imagine pour échapper au sort qui lui impose de choisir entre l’impuissance et la corruption. Par des répliques intimistes, l’héroïne de ce drame à venir fait de ce monologue un dialogue, par lequel elle échange avec son double agonisant.
La jeune prisonnière de sa classe sociale imagine un stratagème pour répondre à ses obligations sans avoir le sentiment de se donner à son vieux courtisan qui la répugne.
On assiste à un requiem dans lequel s’illustre avec panache Alice Dufour, passant avec brio d’un sentiment à l’autre, tenant de ses mimiques avec malice et métier le public du bout des yeux, incarnant la dernière génération d’une société qui se perd elle-même.
christophe giolito
Mademoiselle Else
d’Arthur Schnitzler
Mise en scène et adaptation Nicolas Briançon
© Pascal Gely
Avec Alice Dufour
Avec les voix d’Anne Charrier, Michel Bompoil, François Vincentelli, Magali Lange et Cécile Fišera ; assistante mise en scène Mathilde Penin ; costumes Michel Dussarat ; vidéo Olivier Simola ; lumières Jean-Pascal Pracht ; son Emeric Renard ; photographe Claude Pocobene ; production Théâtre de Poche-Montparnasse.
Au Théâtre de Poche-Montparnasse
75 bd du Montparnasse, 75006 Paris
Réservations 01 45 44 50 21 (lundi au samedi 14h à 17h30)
Le dimanche au guichet du théâtre de 13h à 17h30
http://www.theatredepoche-montparnasse.com/project/mademoiselle-else-2/
Les lundis 14 et 21 novembre à 21h.