George Sand, La Dernière Aldini

Une lec­ture d’été intelligente

Si tout le monde connaît George Sand pour ses ouvrages sup­po­sé­ment majeurs tels La Mare au diable, La Petite Fadette ou Fran­çois le Champi, rares sont les lec­teurs même aver­tis à avoir ne serait-ce qu’entendu par­ler de La der­nière Aldini. Et c’est bien dom­mage, car il s’agit à mon sens de l’un des romans les plus enle­vés, drôles et appré­ciables de l’auteure.
À Venise, au début du 19ème siècle, le ténor Lélio raconte ses deux grands amours à une rieuse tablée d’artistes. Le pre­mier, alors qu’il se fait encore appe­ler Nello et n’est qu’un petit gon­do­lier de Chiog­gia, montre com­ment il s’est épris d’une richis­sime pra­ti­cienne de Venise, la douce et belle Bianca Aldini. Veuve et de plu­sieurs années son aînée, sa patronne se prend d’abord d’amitié pour son petit employé, à qui elle enseigne la beauté de la harpe, déclen­chant chez celui-ci une voca­tion qui le mènera sur les plus grandes scènes : la musique et le chant. Grâce à son écoute et à ses encou­ra­ge­ments, le timide gon­do­lier se mue peu à peu en chan­teur épa­noui, puis en amou­reux transi. Mais la dif­fé­rence de classe sociale ne per­met pas cette union déjà un peu contre-nature au vu de leurs âges res­pec­tifs. Bien des années plus tard, alors qu’il est devenu ténor et célèbre, Lélio tombe sous le charme d’une jeune et mys­té­rieuse spec­ta­trice. Mal­gré son air revêche et hau­tain, la belle se révè­lera tout aussi éprise que lui. Là encore, la dif­fé­rence d’âge (quoique dans l’autre sens) et de classe sociale rend les choses com­pli­quées, voire impos­sibles.
Ne comp­tez pas sur moi, tou­te­fois, pour vous révé­ler com­ment se ter­minent ces deux his­toires. Mieux vaut le décou­vrir par vous-mêmes, car les rebon­dis­se­ments, l’humour et la touche de mélan­co­lie qu’elles recèlent vous enchan­te­ront. En plus du plai­sir sus­cité par les méandres et les affres amou­reux que tra­verse notre héros, le lec­teur appré­ciera sans nul doute la pein­ture d’une société rigide, crai­gnant les écarts par rap­port aux conven­tions et le qu’en-dira-t-on, mais aussi (et sur­tout peut-être) la des­crip­tion, au fil de la pre­mière his­toire, de la révé­la­tion d’une vocation.

Si George Sand s’est démar­quée dans toute son œuvre par sa volonté de défendre les petites gens et d’afficher son hos­ti­lité vis-à-vis des inéga­li­tés et des car­cans qui régissent la société de son époque, dans La Der­nière Aldini elle traite de ses thèmes de pré­di­lec­tion avec une grande finesse et un humour selon moi rare­ment aussi pré­sent dans son œuvre foi­son­nante. Ses per­son­nages, loin d’être cari­ca­tu­raux, com­binent une série de qua­li­tés et de défauts qui les rendent bigre­ment humains et atta­chants, pour impar­fait que soit leur carac­tère.
En conclu­sion, il faut louer l’excellente ini­tia­tive des édi­tions du Revif de publier ce livre, jusque-là introu­vable en l’état, et qui ajoute aux nom­breuses qua­li­tés déjà évo­quées l’avantage d’un for­mat par­fai­te­ment adapté aux migra­tions estivales.

agathe de lastyns

George Sand, La Der­nière Aldini, coll. Verte, Revif, juin 2013, 218 p.- 16,00 €

1 Comment

Filed under Romans

One Response to George Sand, La Dernière Aldini

  1. Dominique Lin

    Très beau texte, d’un style si loin­tain et pour­tant très proche.
    Se lit avec faci­lité… l’aventure de Lélio nous embarque du début à la fin.

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