Lire , de l’auteur, notre critique de La lumière offusquée, De l’ombre
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’urgence. Le sentiment impératif que cette journée sera la dernière — et qu’il ne faut pas en perdre un seul instant.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Mon rêve : être minuscule, inapparent, invisible. Je m’y emploie sans y parvenir.
A quoi avez-vous renoncé ?
Occasionnellement – par la force des choses et par irrésolution plutôt que par faiblesse – à la dignité.
D’où venez-vous ?
Du ventre de ma mère et de la langue qu’elle parlait et, qu’absente, je parle.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
La certitude que ma mère ne m’a jamais aimé.
Elle voulut se pendre quand elle se sut enceinte et ne put accepter que l’enfant qu’elle attendait soit un garçon. J’étais et suis toujours ce garçon.
Qu’avez vous dû « plaquer » pour votre travail ?
La solitude qui m’était le bien le plus cher.
Un petit plaisir – quotidien ou non ?
Le vélo et les déplacements presque quotidiens vers la mer pour me repaître et m’emplir du « sentiment océanique ».
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes et écrivains ?
Mon nom.
Mais aussi mes envies, mes dégoûts.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpela ?
Des personnages de Bernard Buffet vus à Avignon quand j’avais une quinzaine d’années.
Et cette question (originaire ?) : « Pourquoi peindre ça ? »
Où travaillez-vous et comment ?
Je n’ai ni atelier, ni bureau.
J’écris et je dessine sur un coin de table (d’où gêne et petits formats).
Quelles musiques écoutez-vous en travaillant ?
Le plus souvent du piano : Bach mais aussi Schoenberg, Berg, Webern, Messiaen, Boulez, Ustvolskaya, Scriabine, Bartok et Kurtag.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
G. Flaubert, « Bouvard et Pécuchet »
F. Kafka (les nouvelles animalières)
S. Beckett (les romans 1947–1955)
E. Husserl, « Idées directrices pour une phénoménologie »
Quel film vous fait pleurer ?
« Quand passent les cigognes » (1957) de M. Kalatozov avec Tatiana Samoïlova.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Personne : je n’ai pas de miroir.
Un reflet : l’image fugace surprise dans une vitrine me plonge dans la perplexité et le dégoût. Double impossibilité de me voir.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
A Jacques Derrida
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Montady, le village où j’ai passé mon enfance méditerranéenne.
Trieste, que je n’ai jamais vue.
Quels sont les artistes et les écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
R. Tuttle, R. Ackling, F. Sandback, M. Bochner, D. Dezeuze, les écrivains de la revue TXT (1969–1986), E. Jandl.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un vélo de course ultra-léger (moins de 7kg)
Que défendez-vous ?
« L’homme est un loup pour l’homme ». Mais l’homme, de temps à autre, défend la horde. L’animal est sans voix : je défends sa cause, son statut et le respect qui lui est dû.
Que vous inspire la phrase de Lacan : « L’amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas ? »
Je ne sais ni donner ni recevoir. L’amour serait ne pouvoir donner ce qu’on aimerait donner à quelqu’un qui attendrait ce don, ce « présent ».
Enfin que pensez-vous de celle de W. Allen : « La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Je suppose que la question est : « Avez-vous au moins une certitude ? » … La réponse complète alors serait : « Oui ! Nous sommes mortels. Encore vivants, nous mourrons ».
entretien réalisé par jean-paul gavard-perret pour le litteraire.com , le 23 juillet 2013.
Encore une fois, Superbe.
Jean.
Oui, intéressant et émouvant.
Bonjour Philippe, je prends toujours plaisir à te lire… ou à voir ta création… Heureusement internet est là, pour me rapprocher de toi, maintenant que je suis à TOulon. Je reviens de Parme, où j’avais rendes-vous avec Corregio et la coupole de la cathédrale. Cela fait longtemps que je voulais voir ce qui a inspiré l’oeuvre que j’ai aimée et que j’ai achetée il y a des années. Et que j’aime toujours. et qui trône dans notre appartement. J’aurais désiré t’en parler. Peux tu me dire ou me faire dire par ta galerie que tu habites toujours au même endroit ou ailleurs. J’ai quelque chose à te faire parvenir. Merci.
Il est possible que j’aille à Caen l’an prochain, exposer mes travaux. J’aurais immense plaisir de te revoir.
A bientôt Philippe. N’oublie pas de répondre à ma question !