Les méditations autour de sa chambre prouvent toute la sagesse — âge venant — de Régis Debray. Il ne cherche plus le vrai mais “l’ironie qui sert à quelque chose” (Bachelard).
Il devient un nouveau Socrate dans sa conversation avec lui-même mais pous nous mettre sur la voie d’un savoir qui éloigne des certitudes passées.
“Déchirements intellectuels, bisbilles politiques, plans sur la comète (…), tout se fane inexorablement avec les ans.” dit l’auteur. Il ne se prend pas toutefois au piège de sa propre ironie. Car s’il privilégie l’incertitude à la certitude, il ne l’écrit jamais de manière surplombante — ce qui est une excellente position anti-sartrienne.
Debray apprend que le temps qui court et nous dépasse n’accentue pas forcément la déréliction. Au contraire.
Faisant le point, l’auteur évoque ce qui circule et est en jeu quand s’approche la fin puisqu’elle est — hélas — le seul but. Pas question pour autant de se jeter la tête contre les murs : “il y a de bonheur, en contrepoint, à voir resurgir, en bout de course (…) les héros de roman dont il nous est arrivé d’usurper l’identité dans notre for intérieur, parce qu’en nous prêtant leur vie, ils nous ont rendu la nôtre presque digne d’avoir été vécue.”
Existe donc encore un tout va bien. Dans ce déplacement réflexif d’un Debray philosophant de manière enjouée, l’ironie trouve la pointe la plus fine et c’est ce qui fait, avec l’âge, la classe d’un tel auteur ni Quichotte, ni Jacques le fataliste mais sage en rien ombrageux.
jean-paul gavard-perret
Régis Debray, L’exil à domicile, Gallimard, collection Blanche, 2022, 128 p. — 12,00 €.