Hanoi : “sublime forcément sublime”
La règle critique implique de parler d’un album en sa totalité et plus encore lors de sa sortie. Celui dont il est question ici date de 2015. Il vaut plus qu’un détour.
Néanmoins, qu’il soit permis d’enfreindre les injonctions habituelles des récensions.
Pour être encore plus explicite, je m’autorise à ne parler ici “que” d’un titre. Et ce, pour une raison majeure : il m’a procuré et me procure encore des frissons qu’aucune autre chanson n’a provoqué en moi. Il faudrait remonter à “The House of The Rising Sun” des Animals (1964) pour retrouver un tel écho.
Arrivée pour la première fois à Hanoï en 2014, La Grande Sophie y a fait une immersion inattendue. Elle devait s’y produire lors d’un festival, mais la mort et le deuil du général Giap, héros national vietnamien, l’en ont empêchée.
Ce fut pour elle une chance inattendue. Elle s’est perdue dans la ville plus longtemps que prévu et à son retour a écrit un bijou musical : “Hanoï”. Il nous fait dériver en un voyage étrange et émotionnel dans la capitale.
Comme la créatrice en cette cité, nous nous perdons à travers la musique qui s’égrène en murmures ça et là transformés en un soupir plus accentué quoique pudique et ténu.
Et lorsque La Grande Sophie lance — avec une sorte de staccato si particulier à l’artiste sur les deux premiers mots — : “Hanoï, Hanoï, tu me retiens / Tes typhons pleurent /Tes héros meurent / La pluie dégringole”, l’auditeur est saisi d’un envoûtement.
Cela, par la grâce d’un tel chant pur à la perfection poétique, sonore et vocale rarement égalée.
Pour reprendre les mots de Duras, cette mélopée sur la ville, son lac, ses vélos, ses labyrinthes électriques, ses marionnettes sans fils (nos semblables et frères et soeurs) sous de tristes tropiques reste et restera “sublime, forcément sublime”.
jean-paul gavard-perret
La Grande Sophie, Nos histoires, Polydor / Universal Music