La traversée du miroir (souvent narcissique) de Pierre et Gilles possède un rapport particulier au langage plastique. Par celui-ci, tout se passe. Les interpellations iconographiques montrent comment l’échange (amoureux mais pas seulement) fonctionne selon divers registres depuis quarante ans.
Elles illustrent aussi la perception de l’autre, du différent. Toutefois, cette nouvelle exposition se veut un rien (voire plus) historique, politique et archiviste. Pierre et Gilles deviennent des artistes engagés car avec Les couleurs du temps les portraits, entre peinture et photographie, dévoilent une vérité qui témoigne des contradictions de notre époque.
Existe une courte série en hommage à l’Ukraine. “La Liberté” ou “La Guerre du blé” mettent en scène avec pudeur de jeunes Ukrainiens pleurant l’innocence et la paix perdues. Face à eux, un autoportrait masqué des artistes posant accroupis invite à veiller ensemble un univers en pleine déliquescence.
Mais le contenu est bien plus large et garde une autre ambition. Il met au premier plan divers types de corsetages au nom de refoulés qui redeviennent monnaie courante et contre lesquels les artistes luttent en transformant certaines données immédiates de l’inconscience sourde et rampante.
Les artistes réinterprètent le monde lorsque l’amour (celui qui ne souffre pas de castes) est en jeu. Le sentiment complexe et polymorphe n’est donc pas seulement montré en images mais concepts jusqu’à émettre l’hypothèse d’“un nouvel amour” comme disait Rimbaud et ce, pour changer nos têtes.
jean-paul gavard-perret
Pierre et Gilles, Les Couleurs du Temps, Galerie Templon, du 10 novembre au 24 décembre 2022.