Nous avions déjà recensé ici Une Parisienne dans la Grande Guerre de Colette (éd. de l’Herne, 2014). L’ouvrage de Bénédicte Vergez-Chaignon vient en quelque sorte compléter le recueil d’articles de la grande romancière, en permettant aux lecteurs de noter ce qui a changé dans sa vie et dans la façon de percevoir la guerre, entre les années 1910 et les années 1940.
Ce qui n’a pas changé, c’est le courage et la débrouillardise dont Colette fait preuve, y compris au profit de son lectorat – car elle continue de publier dans la presse, et comme d’habitude, on attend d’elle de dispenser des conseils pratiques, fort utiles par temps de pénurie, et de soutenir le moral des Français.
Sur le second point, sa tâche n’est guère plus facile que par le passé, car les circonstances de l’Occupation impliquent le besoin de contourner la censure sur certaines questions. Ainsi, le patriotisme de Colette, bien différent de celui des pétainistes, doit par moments se manifester de façon très allusive ; cependant, elle parvient régulièrement à faire entendre ce qu’elle pense, de façon audacieuse.
Ce qui a changé, c’est d’abord que Colette est désormais âgée, plus ou moins infirme (souffrant entre autres d’arthrose) et obligée d’éviter au possible les déplacements, y compris en raison des risques que court son mari, Maurice Goudeket qui est juif, chaque fois qu’il doit l’accompagner en ville.
Bénédicte Vergez-Chaignon explicite bien le choix que fait la romancière de se “cloîtrer“ dans son appartement, à la fois en raison des contraintes et par une sorte de défi qui consiste à rester dans un périmètre où les Allemands sont rarement visibles – au Palais-Royal, Colette peut ignorer leur présence de façon démonstrative.
Cependant, l’Occupation se fait sentir de tant et d’autres manières, dont la pire est l’arrestation de Maurice Goudeket en décembre 1941. Il sera enfermé au camp de Compiègne jusqu’en février 1942. Pendant ce temps, Colette sollicitera toutes ses relations susceptibles d’intervenir pour le faire libérer. Sa biographe expose ses angoisses et ses efforts sans pathos, de façon d’autant plus éloquente.
Retraçant étape par étape la vie et le travail de Colette entre la veille et les lendemains de l’Occupation, cet ouvrage est aussi captivant qu’instructif. Il nous apprend aussi des choses inattendues, dont la plus amusante est la passion épistolaire que manifeste à sa consœur l’écrivain Claude Farrère (l’un des auteurs les plus lus de son temps).
Rédigé dans un style coulant et limpide, cet ouvrage est à recommander sans réserves à tous les amateurs de Colette comme aux lecteurs qui s’intéressent à la période historique en question.
agathe de lastyns
Bénédicte Vergez-Chaignon, Colette en guerre 1939–1945, Flammarion, octobre 2022, 336 p. – 21,90 €.