Bénédicte Vergez-Chaignon, Colette en guerre 1939–1945

Capti­vant et instructif

Nous avions déjà recensé ici Une Pari­sienne dans la Grande Guerre de Colette (éd. de l’Herne, 2014). L’ouvrage  de Béné­dicte Vergez-Chaignon vient en quelque sorte com­plé­ter le recueil d’articles de la grande roman­cière, en per­met­tant aux lec­teurs de noter ce qui a changé dans sa vie et dans la façon de per­ce­voir la guerre, entre les années 1910 et les années 1940.

Ce qui n’a pas changé, c’est le cou­rage et la débrouillar­dise dont Colette fait preuve, y com­pris au pro­fit de son lec­to­rat – car elle conti­nue de publier dans la presse, et comme d’habitude, on attend d’elle de dis­pen­ser des conseils pra­tiques, fort utiles par temps de pénu­rie, et de sou­te­nir le moral des Fran­çais.
Sur le second point, sa tâche n’est guère plus facile que par le passé, car les cir­cons­tances de l’Occupation impliquent le besoin de contour­ner la cen­sure sur cer­taines ques­tions. Ainsi, le patrio­tisme de Colette, bien dif­fé­rent de celui des pétai­nistes, doit par moments se mani­fes­ter de façon très allu­sive ; cepen­dant, elle par­vient régu­liè­re­ment à faire entendre ce qu’elle pense, de façon audacieuse.

Ce qui a changé, c’est d’abord que Colette est désor­mais âgée, plus ou moins infirme (souf­frant entre autres d’arthrose) et obli­gée d’éviter au pos­sible les dépla­ce­ments, y com­pris en rai­son des risques que court son mari, Mau­rice Gou­de­ket qui est juif, chaque fois qu’il doit l’accompagner en ville.
Béné­dicte Vergez-Chaignon expli­cite bien le choix que fait la roman­cière de se “cloî­trer“ dans son appar­te­ment, à la fois en rai­son des contraintes et par une sorte de défi qui consiste à res­ter dans un péri­mètre où les Alle­mands sont rare­ment visibles – au Palais-Royal, Colette peut igno­rer leur pré­sence de façon démonstrative.

Cepen­dant, l’Occupation se fait sen­tir de tant et d’autres manières, dont la pire est l’arrestation de Mau­rice Gou­de­ket en décembre 1941. Il sera enfermé au camp de Com­piègne jusqu’en février 1942. Pen­dant ce temps, Colette sol­li­ci­tera toutes ses rela­tions sus­cep­tibles d’intervenir pour le faire libé­rer. Sa bio­graphe expose ses angoisses et ses efforts sans pathos, de façon d’autant plus élo­quente.
Retra­çant étape par étape la vie et le tra­vail de Colette entre la veille et les len­de­mains de l’Occupation, cet ouvrage est aussi cap­ti­vant qu’instructif. Il nous apprend aussi des choses inat­ten­dues, dont la plus amu­sante est la pas­sion épis­to­laire que mani­feste à sa consœur l’écrivain Claude Far­rère (l’un des auteurs les plus lus de son temps).

Rédigé dans un style cou­lant et lim­pide, cet ouvrage est à recom­man­der sans réserves à tous les ama­teurs de Colette comme aux lec­teurs qui s’intéressent à la période his­to­rique en question.

agathe de las­tyns 

Béné­dicte Vergez-Chaignon, Colette en guerre 1939–1945, Flam­ma­rion, octobre 2022, 336 p. – 21,90 €.

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