Christophe Guilluy, Les Dépossédés

Un peu maigre

Nous avons salué ici les deux ouvrages pré­cé­dents de Chris­tophe Guilluy, et nous éprou­vons tou­jours un vif inté­rêt pour son regard sur la réa­lité contem­po­raine.
C’est dire que la décep­tion que nous ins­pire son der­nier opus tient non pas à son pro­pos, mais au peu de sub­stance inédite qu’il contient.

D
e fait, Guilluy se contente ici de reprendre les thèses qui l’ont rendu célèbre, celles de la “France péri­phé­rique“ et de la majo­rité ren­due invi­sible, pri­vée de repré­sen­ta­tion cultu­relle, sociale et poli­tique. Cet essai ne dif­fère des pré­cé­dents que par les exemples pui­sés dans l’actualité récente et par les cita­tions qui le par­sèment.
S’il y a là quelques cha­pitres qui frappent l’attention, leur contenu pour­rait tenir dans un article ou dans un entre­tien – de fait, avoir lu l’une des inter­views pro­mo­tion­nelles que l’auteur a don­nées ces der­niers jours à l’occasion de cette paru­tion revient à connaître d’avance le livre.

Cepen­dant, Guilluy n’a peut-être pas tort d’enfoncer le clou en se répé­tant, ne serait-ce que pour per­mettre à ses idées de res­ter pré­sentes (média­ti­que­ment) et de se dif­fu­ser.
En outre, son style per­cu­tant et son iro­nie acerbe rendent savou­reux plus d’un pas­sage, notam­ment ceux sur la bour­geoi­sie “insou­mise“ qui dénonce conti­nuel­le­ment les inéga­li­tés, les ultra-riches, le capi­ta­lisme et les injus­tices sociales, tout en expul­sant les pauvres de quar­tiers où ils habi­taient aupa­ra­vant (pp. 31–33), ou sur le wokisme : “Der­nier ava­tar de la guerre des repré­sen­ta­tions, il béné­fi­cie actuel­le­ment en Occi­dent d’une pro­mo­tion digne d’un block­bus­ter amé­ri­cain. (…) Fidèles aux tech­niques publi­ci­taires, ses pro­mo­teurs savent que l’important est d’en par­ler, en bien ou en mal, de satu­rer les médias de thé­ma­tiques qui divisent la société en tranches, en panels. (…) Pré­sen­tée comme inédite, cette repré­sen­ta­tion est rare­ment ana­ly­sée dans le conti­nuum d’un pro­jet au long cours qui tend à incor­po­rer le modèle socié­tal dans son enve­loppe éco­no­mique ; l’individu-consommateur à la place du citoyen“ (pp. 112–113).

Nous pour­rions citer d’autres pas­sages qui visent juste et qui font entendre une voix dis­so­nante ; mais ce serait créer l’illusion que ce qui mérite d’être retenu abonde dans cet ouvrage.
On conseille Les Dépos­sé­dés aux lec­teurs qui ne connaissent pas encore Chris­tophe Guilluy.

agathe de lastyns

Chris­tophe Guilluy, Les Dépos­sé­dés, Flam­ma­rion, octobre 2022, 196 p. – 19,00 €.

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