Jean-François Figeac, La France et l’Orient. De Louis XV à Emmanuel Macron

La France et l’Orient au-delà des mythes

On ne peut que vive­ment recom­man­der la lec­ture du livre de Jean-François Figeac à toute per­sonne dési­reuse de sai­sir les évo­lu­tions et les rup­tures qui ont agité la poli­tique fran­çaise vers le monde arabo-turc.
En effet, l’auteur, s’appuyant sur une docu­men­ta­tion riche, décrit avec clarté les oscil­la­tions d’une diplo­ma­tie qui n’a jamais été figée dans des “dogmes”. De sur­croît, il s’intéresse aussi aux évo­lu­tions de l’opinion publique fran­çaise, dont les repré­sen­ta­tions ont elles aussi sou­vent changé.

En fait, l’ouvrage montre l’absence de réelles per­ma­nences his­to­riques. L’Orient pour la France, ce fut pen­dant des siècles l’empire otto­man, allié de revers à l’origine de bien des tur­que­ries au XVIIIe siècle, et à ce titre indis­pen­sable à l’équilibre euro­péen. Cela étant, il exis­tait dès cette période un cou­rant “inter­ven­tion­niste”, déjà phil­hel­lène, et prêt à sou­te­nir l’émancipation des peuples chré­tiens oppri­més.
C’est seule­ment à par­tir de 1860 que la France s’intéressa au Liban et en fit le marche-pied de sa poli­tique au Proche Orient. C’est à par­tir du début du XXe siècle que le sou­tien au natio­na­lisme syrien rem­plaça la défense tout azi­mut des chré­tiens d’Orient. La chute de l’Empire otto­man rédui­sit l’Orient à la Syrie et au Liban, même si la pré­sence fran­çaise ne dis­pa­rut jamais tota­le­ment de la Tur­quie kéma­liste et de l’Egypte du roi Fouad.

Non, la poli­tique arabe de la France ne naquit pas en 1962 mais bien en 1967, à la sur­prise géné­rale de l’opinion publique, quand de Gaulle, à la recherche d’un lea­der­ship sur le monde arabe,  condamna Israël qui ne vou­lait pas d’une média­tion fran­çaise.
Cette poli­tique, dite gaul­liste, sera en fait celle des suc­ces­seurs du géné­ral. Quant au gaullo-mitterrandisme, on le cher­che­rait en vain dans la guerre du Golfe de 1991 qui mit fin à l’indépendance de la voix de la France dans la région, avant que la guerre en Libye ne l’associât au néo-conservatisme amé­ri­cain. Avec Chi­rac, la poli­tique arabe connut, dit l’auteur, son chant du cygne.

Que reste-t-il de l’influence fran­çaise? Avec réa­lisme, Jean-François Figeac décrypte le déclin du soft power fran­çais qui connut son apo­gée sous la IIIe Répu­blique, laquelle sut s’appuyer sur le réseau d’écoles et d’institutions éccle­sias­tiques pour faire rayon­ner la culture fran­çaise.
A cela s’ajoute aujourd’hui un désen­chan­te­ment com­plet de l’opinion publique (en tout cas d’une par­tie d’entre elle.…) pour les affaires moyen-orientales. Mou­ve­ment com­mencé là aussi avant la Pre­mière Guerre mondiale.

Ajou­tons pour finir que l’auteur dresse une typo­lo­gie pré­cise et per­ti­nente des dif­fé­rents cou­rants de poli­tique étran­gère actuels en les reliant à des seg­ments du monde média­tique et poli­tique.
Un livre, on le com­prend, passionnant.

fre­de­ric le moal

Jean-François Figeac, La France et l’Orient. De Louis XV à Emma­nuel Macron, Passés/Composés, octobre 2022, 288 p. — 22,00 €.

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