Lionel Sabatté, Lisières (exposition)

De tout crin

Lionel Sabatté déploie tout son uni­vers de peintre, sculp­teur et des­si­na­teur dans plu­sieurs expo­si­tions. A la Gale­rie Lau­ren­tin, il dévoile un ensemble d’œuvres récentes, échos de sa réflexion glo­bale sur la place que nous occu­pons dans notre envi­ron­ne­ment à tra­vers une série de com­po­si­tions sur plaques de métal oxy­dées, des des­sins et oxy­da­tions sur papier comme des visages faits de pous­sières et de che­veux ou encore des sculp­tures com­po­sées de bronze, fer­raille, béton, pig­ments, fibres végé­tales et pous­sières.
Pour La Grande Place, musée du cris­tal Saint-Louis, il a réa­lisé, après avoir observé le bal­let des arti­sans et col­lecté des maté­riaux issus des ate­liers de la cris­tal­le­rie, des œuvres qui évoquent la nature, notam­ment les abeilles et le végé­tal, mais aussi le miné­ral. La ruche devient méta­phore de l’activité de la manu­fac­ture de Saint-Louis.

Il pré­sente éga­le­ment, au sein de l’exposition col­lec­tive L’impossible sau­vage, au Musée d’ethnographie de Neu­châ­tel jusqu’au 26 février 2023, ses “sculp­tures de loups” faites de pous­sière du métro Châ­te­let, où cir­culent chaque jour des mil­lions d’individus. L’amalgame de che­veux et de déchets, la pous­sière deviennent l’apanage de nos modes de vie urba­ni­sés, for­mant un maté­riau habi­tuel­le­ment chassé de l’espace domes­tique.
Les figu­ra­tions prennent autant la beauté d’un archaïsme immé­mo­rial qu’elles évoquent le pro­fil mazouté d’oiseaux migra­teurs ou la mai­greur mal­adroite d’espèces en voie d’extinction. En elles, s’agrègent pous­sière, rognures d’ongles, peaux mortes, brin­dilles, cendres ou même du thé, rési­dus récol­tés avec soin pour com­plé­ter des corps de bois, de ciment, de bronze ou de fer­raille qui se méta­mor­phosent alors en peuples de boucs, de cygnes, d’oiseaux ou de licornes.

Comme son grand-père taxi­der­miste, l’artiste sculpte et modèle, en tapis­sant d’une nou­velle peau des êtres ima­gi­naires afin de créer un bes­tiaire démiur­gique en réuti­li­sant – recy­clant – des élé­ments natu­rels pour retis­ser nos liens sociaux qui inter­rogent. L’animal et l’homme res­tent pré­sents mais dans le doute et l’instabilité. Il leur manque des membres, bras et mains, élé­ments d’action sur le monde.
Tout porte à une réflexion pro­fonde sur notre condi­tion humaine et notre rap­port au temps. En témoignent ses groupes sculp­tés de femmes et d’hommes et ses grands oiseaux migra­teurs en bronze, émou­vants dans leur esthé­tique de l’inachevé.

La pein­ture reste néan­moins la source matri­cielle de l’œuvre. Des explo­sions aux nuances mor­do­rées – par­fois oxy­dées – viennent creu­ser les sillons de nou­velles vies où se cherchent des esprits qui pal­pitent sous l’écorce vibrante de la pein­ture. Elle reste le cata­ly­seur d’une acti­vité concen­trée et essen­tielle, un ter­ri­toire de découvertes.

jean-paul gavard-perret

Lio­nel Sabatté,
- Lisières, Gale­rie Lau­ren­tin, Bruxelles, du 16 sep­tembre au 5 novembre 2022.
- La Ruche, La Grande Place, musée du cris­tal Saint-Louis, Saint-Louis-lès-Bitch, du 26 octobre 2022 au 3 avril 2023,
Expo­si­tion col­lec­tive L’impossible sau­vage, au Musée d’ethnographie de Neu­châ­tel jusqu’au 26 février 2023.

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