Une adolescente pleine de ressources
Charlex est la première cyber, conçue à partir d’un embryon humain, envoyée en mission. Dans sa capsule de survie, au moment de l’atterrissage, elle est tuée sur le coup par le projectile d’un satellite-tueur. Étant une Améliorée, son organisme réagit sans pouvoir, toutefois, lui restituer toute sa mémoire. Aussi, quelle est mission et où est-elle ? Après avoir essuyé, sans dommages, de nouveaux coups de feu, elle réactive Colas et Auxy, des nanêtres (des nuages de nano-machines), sous les formes respectives d’un garçon de neuf ans et d’un chien. En route vers un village, ceux-ci lui fournissent quelques éléments sur l’objet de sa mission. Programmée pour être une “guêpe”, elle doit agir sur la société et ramener la planète Terhyd dans le sein de la CSM, la Confédération des Soixante Mondes.
Elle s’intègre dans une population rurale, découvre que cette terre, jadis florissante, dépérit par les effets de la terraformation, menée par TeragroGen, et l’envahissement d’une graminée rouge qui détruit toute la flore locale. Elle croise Sisco, un tueur envoyé par Genarmy, qui semble en savoir long sur elle et qui lui avoue avoir pour mission de la tuer. En se rendant à la capitale, elle rencontre diverses populations aux motivations belliqueuses. Sur place, elle peut se mêler aux puissants de la planète. Elle va de découverte en découverte jusqu’à comprendre le véritable objet de sa mission, une mission que la part humaine de Charlex refuse mais que son organisme, conditionné et programmé, doit accomplir…
Danielle Martinogol reprend l’idée principale qui avait nourrit Les Oubliés de Vulcain où elle mettait en scène Charley un être génétiquement modifié. Les aventures de Charlex, la première fille qui sort du centre de Genutopia, se situent un siècle après. L’intrigue s’articule autour de l’écologie, de la défense d’une planète ravagée par l’aveuglement des dirigeants d’une société qui impose ses produits sans se soucier des dégâts qu’ils peuvent causer. Le propos est clair et les arguments de l’auteure sont implacables. Elle fait preuve d’une très bonne connaissance des manipulations politiques, des méthodes des lobbies, particulièrement ceux de sociétés productrices de semences et de leurs procédures pour imposer leur monopole. Elle mène un véritable réquisitoire contre TeragroGen, entreprise dont on a l’exact pendant, aussi actif et destructeur, sur Terre. Elle dénonce aussi les rapaces qui s’engraissent, sous prétexte de venir en aide aux populations, sur les réseaux humanitaires.
Avec Charlex, Danielle Martinigol crée une héroïne attachante, touchante. Elle dépeint une véritable adolescente, les excès de cet âge, les espoirs qu’elle porte, les côtés attachants, faisant ressortir, cependant, toute la fragilité masquée par la faconde. L’auteur met en scène, avec justesse, les effets du conditionnement, les colères, les regrets, les élans spontanés. L’auteur ajoute une dimension sentimentale, avec un regard vers des garçons, l’envie de plaire…
Elle élabore une intrigue passionnante à suivre, multipliant les actions, les coups de théâtre, les renversements de situations. Les péripéties imaginées sont toutes plus ingénieuses les unes que les autres. Elle offre un récit habile, prodigue en trouvailles, en innovations, en créativité. Elle met en œuvre nombre de technologies futuristes avec une telle aisance que celles-ci semblent relever de notre quotidien. C’est pétillant, vif, même si on a le sentiment que l’héroïne, parfois, trouve facilement à s’intégrer ou une solution.
Avec C.H.A.R.L.Ex, Danielle Martinigol signe un magnifique roman destiné à un public de jeunes adultes, mais qui ravit, de la même façon, un public plus âgé.
serge perraud
Danielle Martinigol, C.H.A.R.L.Ex, Syros, coll. « Soon », mai 2013, 288 p. – 15,50 €.