Bruno Duhamel, Jamais — t.02 : “Le Jour J”

Atten­tion aux vieilles dames…

À Trou­mes­nil, sur la Côte d’Albâtre, la falaise est gri­gno­tée par la mer et le vent. Elle recule de manière impla­cable, mena­çant les habi­ta­tions côtières. Le maire par­vient, tant bien que mal, à pro­té­ger les habi­tants les plus tou­chés. Tous, sauf Made­leine, une veuve de 95 ans, aveugle de nais­sance.
Elle a un carac­tère bien trempé, un franc-parler et manie la moque­rie avec suc­cès. Elle refuse d’abandonner sa mai­son pour aller à la rési­dence des Hor­ten­sias, un camp de la mort dit-elle.

L’événement a été relayé par les médias et les curieux se pressent en masse pour voir cette mai­son en péril. Les incons­cients se font pho­to­gra­phier avec les risques induits. C’est le cin­quième Pari­sien que les pom­piers secourent avant qu’il ne s’écrase sur les galets.
Le maire n’en peut plus, il est menacé par l’opposition, les réseaux sociaux le traînent dans la boue… Mais il va devoir affron­ter l’impensable. Une nou­velle par­tie de la falaise s’est effon­drée, ouvrant un trou béant qui forme une arche sur laquelle la mai­son de Made­leine résiste. Heu­reu­se­ment, il n’y a pas de vic­times sauf Chur­chill, le chiot de la petite Emma, le der­nier cadeau de son père.
De nuit, la fillette part cher­cher son chien parce qu’elle ne veut pas qu’il soit mangé par les crabes et pour l’enterrer dans le jar­din. Pré­venu, le maire la rejoint. Le chien est vivant. Mais, le temps qu’ils le dégagent, la marée a monté et ils ne peuvent plus rega­gner la côte…

Si dans le pre­mier album Made­leine fait face à une ins­ti­tu­tion, elle est confron­tée dans ce second volet à ses conci­toyens, à la société civile. Le récit porte sur les aven­tures de l’héroïne aux prises avec une Intel­li­gence arti­fi­cielle, la ges­tion de son chat, des effets du passé, et sur celles du maire qui va devoir faire preuve de beau­coup de pug­na­cité pour se sor­tir du mau­vais pas où le hasard l’a placé.
Dans le pre­mier tome, cet édile pas­sait pour le tour­men­teur d’une gen­tille et fra­gile dame. Ici, le scé­na­riste le réha­bi­lite et il fait preuve d’une belle huma­nité. La média­ti­sa­tion et les réseaux sociaux occupent une place dans le récit avec un rôle fran­che­ment peu glo­rieux, à l’image de la réa­lité. Bruno Duha­mel, sur ce sujet et ses dérives, a déjà réa­lisé un magni­fique album avec #Nou­veau­Con­tact (Bam­boo — Grand Angle, 2019).
Il dédie cet album aux membres de com­man­dos et de régi­ments tant anglais que cana­diens qui ont décou­vert un peu tard qu’il y avait des falaises en Normandie.

L’usage d’un des­sin cari­ca­tu­ral per­met à l’auteur de don­ner à son groupe de per­son­nages une expres­si­vité en usant de mimiques ren­dues pos­sibles. Les décors s’imposent dans l’ambiance, même si, par­fois, ils sont quelque peu dis­si­mu­lés, dérou­le­ment de l’action oblige.
Avec un sujet pro­fond mais traité avec humour, des dia­logues cise­lés, un ton pétillant, cette his­toire se lit avec un grand plai­sir pour son héroïne atta­chante et pour les actions d’une intrigue attractive.

serge per­raud

Bruno Duha­mel (scé­na­rio, des­sin et cou­leur), Jamais — t.02 : Le Jour J, Bam­boo, coll. “Grand Angle”, sep­tembre 2022, 64 p. — 16,90€.

 

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