Peut-on échapper à une secte ?
Dans une Amérique dont il retient les points les plus marquants, qu’il ajuste pour le cadre de son intrigue, Serge Brussolo conçoit une histoire qui emporte, qui submerge par l’assemblage des péripéties. Il met en scène nombre de ses thèmes favoris avec une vision nouvelle et une approche différente.
Outre les fondements des positions survivalistes, il revient à l’univers sectaire, proposant une église tenue par un couple qui n’hésite pas à user de la terreur pour garder l’ascendant sur les habitants de cette région rurale. Les plus sceptiques ont été victimes d’accident de chasse, de chute dans des ravins…
Les parents de Norman, Lester et Wilma, habitent une bâtisse construite sur une colline par un amoureux de la mer. Il avait fait sculpter une pieuvre en bronze qui enserre la porte d’entrée.
Norman revient chez eux après plusieurs années de fuite pour leur confier Johan, son fils de cinq, le temps que son difficile divorce soit jugé. Celui-ci découvrira un terrible secret et ne sera sauvé que par l’intervention du FBI.
Et le récit remonte dans le temps pour expliciter les causes des événements précédents.
Norman est élevé à la dure par des parents qui règnent sur une communauté par la terreur. Il a pu fuir après avoir subi l’épreuve de la Balance, été gravement blessé par un ours et se débattre entre la vie et la mort. C’est avec la complicité de Brandon qu’il est parti pour la Californie.
S’il réussit professionnellement, il vit toujours dans l’angoisse d’être retrouvé par la secte de ses parents. Il a le sentiment d’être suivi, épié. C’est ainsi qu’il démasque un Brandon au fond du trou. Celui-ci lui révèle que c’est à l’initiative de ses parents qu’il l’y a emmené, il y a des années. Son père voulait qu’il l’abandonne dans un fossé pour qu’il ne meure pas chez eux, remettant en cause les thèses prônées depuis des années…
Mais maintenant, peut-il affronter ses parents ?
Les personnages présentent de multiples facettes et le déroulement des actions qui recèlent, à des niveaux différents, des dangers, est tonique. Les péripéties s’enchaînent sans répit, multipliant les interrogations, les incertitudes, les suggestions, les non-dits. Le romancier possède un talent pour instiller le doute, pour susciter un double, voire un triple jeu. Tout devient ambiguïté, précarité, inconstances. Tout est sujet à caution, à être remis en cause. Il n’y a pas de temps morts dans le récit, le roman étant concentré dans le format assez réduit de 250 pages.
Le romancier excelle dans l’art de jouer sur plusieurs degrés et de faire tomber les masques. Il fait vivre, ainsi, une galerie d’individus dont on ne mesure les véritables personnalités qu’au dénouement.
Serge Brussolo n’a pas son pareil pour imaginer des intrigues particulièrement imprédictibles, n’hésitant pas à jouer avec les codes du roman de suspense, d’angoisse pour en présenter de belles ruptures.
serge perraud
Serge Brussolo, La maison de la pieuvre, H&O Poche, août 2022, 256 p. – 6,90 €.