La nudité dans l’œuvre pointe hors de sa seule nature. Néanmoins, cette approche — paradoxalement — nous approche plus d’elle. C’est comme si Fanny Alloing synthétisait en un ensemble d’énergie pour dire ce qui n’est pas énonçable ou descriptible mais qui reste incompressible.
Au regard s’offrent d’énigmatiques renaissances en une poétique d’apparition particulière de ce qui jusque-là n’était pas perçu. Un tel travail rappelle les corps brûlés de Pompéi comme les expérimentations les plus pertinentes de la post-modernité.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mes cours de création plastique. Sinon, je prévois dans ma tête un tas de choses que je veux faire. Beaucoup sont liées à la création et à mon travail de professeur d’expression plastique. Je suis efficace le matin.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je voulais être couturière ou chirurgien pour « réparer les gens.» C’est un peu ce que je fais finalement dans ce travail sur la fragilité de l’Être.
A quoi avez-vous renoncé ?
Être médecin, soigner le corps.
D’où venez-vous ?
Mon grand-père, ma tante, mes parents étaient dans le milieu médical. Très tôt, j’ai eu cette conscience d’être un esprit dans un corps de chair.
Qu’avez-vous reçu en “héritage” ?
L’intérêt pour l’autre?
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
J’en ai beaucoup de petits plaisirs. Le nouveau : regarder ma ville (Nantes) défiler sous mes yeux alors que je suis bien assise à la fenêtre dans le tram quand je vais à mes cours. Je n’avais jamais pris le tram. J’adore observer, mine de rien, les gens, leurs attitudes, leurs regards, comment ils évoluent, se parlent..
Comment pouvez-vous préciser votre travail particulier entre céramique particulière et sculpture ?
Il est venu tout seul, petit à petit. Il suit les événements de ma vie et m’est nécessaire. Je n’étais pas artiste. La perte en 2002 d’une jeune tante m’a mise devant son absence et, les mues de plâtre humaines sont venues. Elles étaient pour moi l’âme des gens aimés et disparus. Puis, l’incendie de notre maison, il y a 10 ans m’a conduit aux estampes de terre. Elles naissent de l’intérieur des mues de plâtres. Je voulais faire des « femmes de feu » alors , j’ai demandé les conseils d’une céramiste pour apprendre la chimie des émaux. Par ces estampes, je retrouve la densité du corps. Elles disent pour moi que nous sommes êtres de chair et que le corps est notre véhicule.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Au début de ce travail, c’est l’image de la jeune femme sur un trapèze comme un ange dans « Les ailes du désir » de Wim Wenders
Et votre première lecture ?
Plusieurs livres offerts par mon grand-père quand j’avais 8–10 ans. Dont « La machine à explorer le temps » et « L’homme invisible » de H.G Wells.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Des musiques de toutes sortes : mais douces, Ray Charles, Elton John, Bowie, Queen. J’aime les chansons à texte aussi : Souchon, Polnareff, Gainsbourg..
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Je relis en ce moment le roman graphique Persépolis de Marjane Satrapi. Et Victor Hugo dont tout l’univers me nourrit toujours. Son recueil de poèmes “Les contemplations” me touche beaucoup. J’ai aimé lire certains de ces poèmes à haute voix, juste pour moi.
Quel film vous fait pleurer ?
Beaucoup de films. Je n’ai jamais pu regarder la fin de “Elephant Man”. Je n’aime pas l’injustice et la méchanceté.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
J’ai besoin des miroirs pour « me sentir dans mon corps ». J’ai beaucoup pratiqué la danse et, aujourd’hui, le sport m’est nécessaire pour la même raison.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Ca ne m’est pas arrivé. J’aime bien dire les choses.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
J’adore la cour carrée du Louvres. Je la trouve majestueuse et puissante. J’y passe forcément chaque fois que je vais à Paris.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Je suis très sensible à l’œuvre de Rodin. Artiste contemporaine : Louise Bourgeois.
J’ai beaucoup aimé Guy de Maupassant.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Une année à venir paisible et heureuse.
Que défendez-vous ?
Ma philosophie: Être au plus proche de soi dans le respect des autres.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Ça m’évoque une relation difficile avec un proche.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Elle est drôle cette phrase Elle m’évoque ma difficulté à dire non pour ne pas contrarier l’autre.
Quelle question ai-je oubliée ?
De quoi avez-vous peur ? De perdre les gens que j’aime, mes proches, mes ami(e)s, ou qu’il leur arrive quelque chose de grave.
Entretien et présentation réalisés par jean-paul gavard-perret, pour lelitteraire.com, le 11 octobre 2022.