Gérard Mordillat & Éric Liberge, La Guerre des paysans

La nais­sance de la Réforme

En 1514, Luca Ponti, un fils bâtard de Jules de Médi­cis, est avec Raphaël sur le chan­tier de la basi­lique Saint-Pierre. Leon X, sur les lieux, presse Raphaël de ter­mi­ner rapi­de­ment les tra­vaux. Mais l’argent manque.
Le pape fait affaire avec des Alle­mands, concé­dant l’archevêché de Mayenne et exi­geant la moi­tié des sommes récol­tées lors de la vente des indul­gences. Or, le pape se méfie (entre voleurs !), et confie à Luca la mis­sion de suivre le pré­di­ca­teur et de faire des rap­ports sur l’argent qu’il ramasse.

C’est ainsi que Luca se retrouve en Alle­magne, à écou­ter les prêches apo­ca­lyp­tiques. Il ren­contre Mar­tin Luther qui est hor­ri­fié par ce qu’il voit et entend. Il rédige une suite de quatre-vingt-quinze thèses contre le com­merce des indul­gences. Ce texte, en latin, est vite tra­duit en Alle­mand et dif­fusé rapi­de­ment, arri­vant jusqu’à Rome.
Paral­lè­le­ment, un autre moine, Tho­mas Münt­zer, cho­qué éga­le­ment par les abus de l’Église romaine, prend le parti des pauvres, des pay­sans, avec qui il par­tage beau­coup de choses. Il enclenche un mou­ve­ment de révolte. Les pay­sans, par mil­liers, prennent les armes et pillent les monas­tères, libèrent les nonnes, incen­dient des châteaux…

Gérard Mor­dillat décline les grandes étapes qui ont mené à cette révolte, pré­ci­sant les causes, les effets induits et les consé­quences. Conco­mi­tam­ment, il décrit les débuts de la cas­sure entre les princes alle­mands et l’église de Rome, rup­ture qui va se confir­mer par un schisme défi­ni­tif sous l’impulsion de Mar­tin Luther.
Mais, il res­treint son pro­pos, ne décri­vant que les pré­mices, met­tant la révolte au cœur de l’album. Cette fronde va durer quelque deux ans, entre 1524 et 1525, et se ter­mi­nera dans un fleuve de sang.

Mais, au-delà de la révolte d’un peuple exploité par les sei­gneurs, sou­mis à de per­pé­tuelles cor­vées, ran­çonné par l’Église qui impose des impôts sur tout et sur tous, le scé­na­riste dresse le por­trait de deux moines : Tho­mas Münt­zer et Mar­tin Luther.
Si le pre­mier applique la parole des Évan­giles à la lettre, le second a une pos­ture bien plus ambi­guë. Son œuvre de tra­duc­teur est à saluer, comme sa réforme de la reli­gion romaine, mais il se conduit en homme mépri­sable, lâche et sur­tout vani­teux, fai­sant tout pour soi­gner sa gloire, sa for­tune et sa postérité.

La mise en images signée par Éric Liberge est fabu­leuse. Rete­nant la bichro­mie, il offre des planches d’une beauté remar­quable, met­tant en valeur tant les pro­ta­go­nistes que les décors. Il donne des por­traits fine­ment tra­vaillés, des per­son­nages prin­ci­paux conformes à ce que l’on peut en savoir ou à la réa­lité de l’époque quant aux coif­fures, vête­ments, acces­soires… Il n’hésite pas à mul­ti­plier les vignettes avec foules et fait montre d’un soin méti­cu­leux pour les détails.

Une post­face fort expli­ca­tive du scé­na­riste, une chro­no­lo­gie des faits, com­plètent heu­reu­se­ment l’album. Un récit remar­quable sur une révolte qui ne fera pas les grands titres de l’Histoire mais qui est impor­tante pour défi­nir une évo­lu­tion reli­gieuse de grande ampleur.

serge per­raud

Gérard Mor­dillat (scé­na­rio) & Éric Liberge (des­sin), La Guerre des pay­sans, Futu­ro­po­lis, sep­tembre 2022, 120 p. – 22,00 €.

 

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Filed under Bande dessinée, Chapeau bas

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