Philippe Charlot & Xavier Fourquemin, Molly West — t.02 : “La vengeance du diable”

Qu’il est dif­fi­cile de don­ner accès à la culture

Parce qu’elle a perdu son fils dans les der­nières heures de la guerre de Séces­sion, Isa­belle Tal­bot quitte New York pour s’installer au Texas.
Les cir­cons­tances en font, au regard des “auto­ri­tés”, une hors-la-loi.

Elle pour­suit cepen­dant son pro­jet pour faci­li­ter l’accès à la culture pour ceux qui vivent dans les zones les plus recu­lées. Elle veut mettre en place une biblio­thèque iti­né­rante tenue exclu­si­ve­ment par des femmes. Elle est assis­tée par deux fidèles, Arte­mus une jeune orphe­lin qui s’est atta­ché à elle et Diego, un métis énig­ma­tique. Mais elle se heurte au major Hood et à sa mère. Ce der­nier, poussé par elle, une femme aca­riâtre mais fine tac­ti­cienne, rêve d’une belle car­rière poli­tique en s’appuyant sur les thèses supré­ma­tistes et sur le mou­ve­ment Ku Klux Klan qui prend son envol.
Aussi, quand Molly veut ins­tal­ler sa biblio­thèque avec les trois femmes qu’elle a recruté, dont une ex-infirmière noire…

Avec Molly, pré­nom donné par Arte­mus qui le pré­fère à Isa­belle, le scé­na­riste pro­pose un per­son­nage de femme libre, aux manières raf­fi­nées, culti­vées, qui se heurte aux menées poli­ti­ciennes de ce major. Ce der­nier campe à mer­veille le per­son­nage odieux du supré­ma­tiste, un indi­vidu qui conti­nue de croître et de pros­pé­rer dans nombre d’États. Il suf­fit, pour s’en convaincre, de suivre la folie de cet ex-président à la che­ve­lure orange.
Avec des pro­pos enle­vés, toniques, comme : “Vous avez rai­son. Elle vous a piqué de l’argent que vous avez dérobé à un major qui l’a détourné des caisses de ban­quiers voleurs qui ont imprimé des bons du Tré­sor pour le compte d’un État qui nous arnaque tous.”, des dia­logues sans com­plai­sance mais si humo­ris­tiques, les auteurs pro­posent une série wes­tern ori­gi­nale.
Ils construisent une intrigue qui conjugue bons sen­ti­ments, des faits et pro­pos cocasses et une belle noir­ceur. Sous un cer­tain ton léger percent le chaos, le racisme, la vio­lence et l’injustice. Ils mettent en scène ce Ku Klux Klan nais­sant avec pour effi­gie ce géné­ral Gor­don et montre déjà le visage effrayant que ce mou­ve­ment pren­dra plus tard.

Xavier Four­que­min assure un des­sin semi-réaliste, cari­ca­tu­ral, mais dia­ble­ment dyna­mique. Les per­son­nages sont cam­pés avec pré­ci­sion, les femmes sont jolies, béné­fi­cient d’un trai­te­ment qui les met en valeur, alors que les hommes sont, dans l’ensemble, plu­tôt mal­trai­tés au point de vue phy­sique. Les décors, comme les vête­ments et acces­soires, sont l’objet d’une belle recons­ti­tu­tion.
Les cou­leurs de Chiara Zep­pe­gno res­ti­tuent avec soin les teintes en usage à cette période dans des régions où les tenues sont d’abord utilitaires.

Une série à suivre avec inté­rêt pour toutes ses qua­li­tés en matière de scé­na­rio et pour une mise en images des plus parlantes.

serge per­raud

Phi­lippe Char­lot (scé­na­rio), Xavier Four­que­min (des­sin) & Chiara Zep­pe­gno (cou­leurs), Molly West – t.02 : La ven­geance du diable, Vents d’Ouest, coll. “24x32”, août 2022, 48 p. — 14,50 €.

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