Qu’il est difficile de donner accès à la culture
Parce qu’elle a perdu son fils dans les dernières heures de la guerre de Sécession, Isabelle Talbot quitte New York pour s’installer au Texas.
Les circonstances en font, au regard des “autorités”, une hors-la-loi.
Elle poursuit cependant son projet pour faciliter l’accès à la culture pour ceux qui vivent dans les zones les plus reculées. Elle veut mettre en place une bibliothèque itinérante tenue exclusivement par des femmes. Elle est assistée par deux fidèles, Artemus une jeune orphelin qui s’est attaché à elle et Diego, un métis énigmatique. Mais elle se heurte au major Hood et à sa mère. Ce dernier, poussé par elle, une femme acariâtre mais fine tacticienne, rêve d’une belle carrière politique en s’appuyant sur les thèses suprématistes et sur le mouvement Ku Klux Klan qui prend son envol.
Aussi, quand Molly veut installer sa bibliothèque avec les trois femmes qu’elle a recruté, dont une ex-infirmière noire…
Avec Molly, prénom donné par Artemus qui le préfère à Isabelle, le scénariste propose un personnage de femme libre, aux manières raffinées, cultivées, qui se heurte aux menées politiciennes de ce major. Ce dernier campe à merveille le personnage odieux du suprématiste, un individu qui continue de croître et de prospérer dans nombre d’États. Il suffit, pour s’en convaincre, de suivre la folie de cet ex-président à la chevelure orange.
Avec des propos enlevés, toniques, comme : “Vous avez raison. Elle vous a piqué de l’argent que vous avez dérobé à un major qui l’a détourné des caisses de banquiers voleurs qui ont imprimé des bons du Trésor pour le compte d’un État qui nous arnaque tous.”, des dialogues sans complaisance mais si humoristiques, les auteurs proposent une série western originale.
Ils construisent une intrigue qui conjugue bons sentiments, des faits et propos cocasses et une belle noirceur. Sous un certain ton léger percent le chaos, le racisme, la violence et l’injustice. Ils mettent en scène ce Ku Klux Klan naissant avec pour effigie ce général Gordon et montre déjà le visage effrayant que ce mouvement prendra plus tard.
Xavier Fourquemin assure un dessin semi-réaliste, caricatural, mais diablement dynamique. Les personnages sont campés avec précision, les femmes sont jolies, bénéficient d’un traitement qui les met en valeur, alors que les hommes sont, dans l’ensemble, plutôt maltraités au point de vue physique. Les décors, comme les vêtements et accessoires, sont l’objet d’une belle reconstitution.
Les couleurs de Chiara Zeppegno restituent avec soin les teintes en usage à cette période dans des régions où les tenues sont d’abord utilitaires.
Une série à suivre avec intérêt pour toutes ses qualités en matière de scénario et pour une mise en images des plus parlantes.
serge perraud
Philippe Charlot (scénario), Xavier Fourquemin (dessin) & Chiara Zeppegno (couleurs), Molly West – t.02 : La vengeance du diable, Vents d’Ouest, coll. “24x32”, août 2022, 48 p. — 14,50 €.