Si Spurrier & Matias Bergara, Saison de sang

Une magni­fique para­bole sur la destinée

Avec cette his­toire, Si Spur­rier défi­nit une para­bole sur la vie, sur le dérou­le­ment de l’existence humaine, sur son impla­cable avan­ce­ment vers la vieillesse, vers la mort tout en offrant une trans­mis­sion, un renou­vel­le­ment.
Le par­cours d’un être vivant sur cette pla­nète est-il libre ou est-il imposé par des contin­gences extérieures ?

Sortir de ce che­min expose à des dan­gers. Les ren­contres ne sont que tem­po­relles et il faut conti­nuer à pro­gres­ser en lais­sant der­rière soi nombre de connais­sances. Il faut, à l’image de la jeune fille, traî­ner une par­tie de l’armure, le poids du passé. Dans une vie, on ne peut pas reve­nir en arrière pour modi­fier ce qui a été fait.

Alors que des indices annoncent l’arrivée du prin­temps, une petite fille nue se réveille, blot­tie dans la main de fer d’un guer­rier géant. Pen­dant que le guer­rier affronte des monstres, la petite fille est atti­rée par l’unique fleur dans le pay­sage encore enneigé. Puis, autour d’un feu de camp, il confec­tionne des habits avec les four­rures des monstres exter­mi­nés.
Alors qu’elle avance elle déclenche une vive réac­tion de la nature qui lui barre le che­min. Elle com­prend qu’il lui faut pro­gres­ser sans s’écarter de la voie qu’elle a choi­sie, qui a été tra­cée pour elle. Quelles que soient les ren­contres, elle doit conti­nuer. Une vil­la­geoise tente de lui offrir de la nour­ri­ture, l’assiette est balayée par le guer­rier. Elle a de plus en plus de mal à sup­por­ter sa condi­tion. Parce qu’elle déclenche une tem­pête, la tête de l’armure saute et elle découvre, médu­sée, à l’intérieur, une petite fille au visage tumé­fié. Elle doit conti­nuer et assu­mer son des­tin, aller décou­vrir un incroyable secret…

Cet album, qui est consti­tué de quelques cent quatre-vingt planches (hors cahier gra­phique), ne compte aucun dia­logue. Quelques vignettes pré­sentent des car­touches conte­nant des signes proches de ceux uti­li­sés pour l’écriture en Orient. Les seuls textes concernent la pré­sen­ta­tion des sai­sons, expli­ci­tant l’évolution de la nature et celle de la fillette.
Le récit est découpé en quatre par­ties cor­res­pon­dant aux quatre sai­sons et com­mence avec le prin­temps et l’éveil de la fillette dont l’identité res­tera incon­nue. L’intégralité du récit est por­tée par cette jeune enfant qui avance en âge, deve­nant, au fil du temps, une jeune fille, voire une jeune femme.

Le gra­phisme est assuré pour le des­sin par Matias Ber­gara et pour la cou­leur par Matheus Lopes. Ils signent une mise en page très dyna­mique ser­vant des vignettes jetées sur un fond neutre, retrou­vant, le temps de quelques planches, une dis­po­si­tion plus clas­sique. La gale­rie des per­son­nages s’étoffe et pro­pose des indi­vi­dus par­fai­te­ment iden­ti­fiables. Si le minois de fillette est des plus réus­sis, ce sont les décors qui enchantent par leur inven­ti­vité, leur pré­sence par­fois écra­sante. Il faut tou­te­fois être atten­tif à nombre de détails.

Un cahier gra­phique pré­sente le crayonné et la ver­sion finale des quatre cou­ver­tures ouvrant les quatre par­ties du récit, quelques esquisses et une belle gale­rie d’hommages. Un album ori­gi­nal, extrê­me­ment bien pensé, pré­senté de belle manière.
Ces éton­nantes recherches tant scé­na­ris­tiques que gra­phiques ont tout pour plaire.

serge per­raud

Si Spur­rier (scé­na­rio), Matias Ber­gara (des­sin) & Matheus Lopes (cou­leur), Sai­son de sang, Dupuis, coll. “Grand Public”, juin 2022, 192 p. – 19,95 €.

 

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