Quand les drames reviennent en force
Sylvie Baron excelle dans l’art de construire une galerie de personnages particulièrement travaillés, mais donne une importance presque aussi grande au cadre et au décor de son histoire. Elle retient la province, surtout la région du Cantal, ces territoires bouleversés par de profondes mutations.
Pour ce roman, elle choisit la station thermale de Chaudes-Aigues, une station connue depuis l’Antiquité pour ses trente-deux sources chaudes, la plus élevée en température faisant 82 degrés centigrades. Dans ce cadre qui a subi la désindustrialisation sauvage, la romancière installe une tribu d’adolescents. Ceux-ci forment un groupe qui a plaisir à se retrouver pour partager leur passion. Mais, comme dans toutes les communautés, naissent et se développent des sentiments, pas toujours contrôlables, qui deviennent des ressentiments qu’il faut cacher jusqu’au moment où saute le couvercle.
Elle met en scène avec un art subtil ces évolutions, faisant surgir, peu à peu, des dissensions, des émotions, des non-dits, des secrets qui bousculent un fragile équilibre. Des attitudes, des décisions trouvent une explication, des masques tombent…
Lou, la sœur cadette de Sophie est source de conflits entre elle et Adam, son époux. La jeune fille a abandonné le lycée et passe son temps dans les ruines d’une tannerie, toutes proches. Ces ruines ont beaucoup compté pour un groupe d’adolescents vivant dans l’impasse, cinq filles et cinq garçons pratiquant avec passion le skateboard.
La situation de la famille de Sophie n’est pas brillante. Avec ses jumeaux, sa belle-mère, ils sont nombreux à vivre du seul salaire d’Adam. Elle a bien hérité du magasin de mercerie de ses parents, mais dans ce quartier en paupérisation, les affaires ne sont pas florissantes.
C’est Pierre Levasseur, un historien d’art, en cure dans la station, qui va, sans le vouloir, ouvrir la boite de Pandore. Ils sont rongés par ce qui s’est passé, il y a dix ans, la nuit du 14 juillet quand la meilleure amie de Sophie est morte sous l’effondrement d’une structure construite pour leurs figures. Les événements malheureux se sont enchaînés. Nine, la sœur aînée est partie pour Paris, ses parents sont morts dans un accident d’automobiles. Mais Nine annonce son retour avec le projet professionnel de construire dans les ruines et un fantôme fait son apparition…
Avec une écriture fluide, une manière de relater à la façon des conteurs d’autrefois, elle capte son lecteur et l’emmène jusqu’à un dénouement peu prévisible. La lecture est encore facilitée par le choix de l’éditeur de mettre en italiques les réflexions personnelles des protagonistes. On n’est pas encombrée par les “…pensa-t-elle, réfléchit-il, spécula-t-elle…“
Le pacte des filles du volcan, paru en grand format sous le titre Impasse des demoiselles, se lit avec délectation pour ce groupe de personnages très attachants, pour la description qui suscite l’envie de visiter cette une ville, cette région, pour son intrigue recherchée si riche en rebondissements.
serge perraud
Sylvie Baron, Le pacte des filles du volcan, J’Ai Lu n° 13 577, septembre 2022, 416 p. — 8,00 €.