Chiara Raimondi, Mémoires d’Alexandrie — Hérophile

Dans les secrets de la légen­daire bibliothèque…

La ville d’Alexandrie, en Égypte, pou­vait s’enorgueillir de pos­sé­der la biblio­thèque la plus célèbre de l’Antiquité. Au IIIe siècle avant J.-C. le roi Pto­lé­mée réunit nombre de savants de l’époque pour qu’ils conti­nuent leurs tra­vaux sur les lieux.
Paral­lè­le­ment, il fait ras­sem­bler, dans toutes les langues qu’elles soient grecque, égyp­tienne, ara­méenne, hébraïque, des trai­tés scien­ti­fiques, des œuvres lit­té­raires, des tra­gé­dies de Sophocle, d’Eschyle, d’Euripide… La biblio­thèque aurait compté jusqu’à 700 000 rou­leaux. Un incen­die, aux causes bien incer­taines, a qua­si­ment détruit la tota­lité de ce trésor.

Chiara Rai­mondi, dans une tri­lo­gie, sou­haite faire revivre trois per­son­nages authen­tiques qui ont été, dans leur domaine, des pré­cur­seurs. Elle com­mence avec Héro­phile qui sera suivi par Pto­lé­mée Phi­la­delphe, un roi bâtis­seur, et Hypa­thie, une savante.

Un homme réunit fébri­le­ment des docu­ments en écri­vant à Éra­sis­trate de ne pas détruire ses tra­vaux. Mais c’est ce même Éra­sis­trate qui excite la foule contre un savant qui a offensé les dieux.
Deux mois plus tôt, Éras­to­phène, le chef-bibliothécaire accueille, avec un cer­tain mépris, deux méde­cins grecs que le roi a fait venir pour leurs tra­vaux. Ils se font moquer lorsqu’ils expliquent qu’ils n’utilisent pas les prières pour sou­la­ger les dou­leurs de leurs patients. On les relègue dans un sous-sol et ils com­mencent à pra­ti­quer leur méde­cine. Mais quand un de leurs patients, sans doute empoi­sonné, décède, Héro­phile pra­tique sur le corps la dis­sec­tion, en contra­dic­tion avec les prin­cipes reli­gieux selon les­quels le corps du défunt doit être intact pour accé­der digne­ment à l’au-delà…

L’auteure pré­vient que son his­toire reste fic­tion­nelle même si les per­son­nages ont réel­le­ment existé et sont connus pour les tra­vaux décrits. Ainsi, ce méde­cin a été très loin dans la connais­sance du corps humain, mais ses neufs trai­tés d’anatomie ont dis­paru.
Chiara Rai­mondi s’est appro­chée le plus près pos­sible de la vérité dans un récit où elle met en scène, avec talent, les conflits entre les tenants de croyances reli­gieuses ineptes et la curio­sité scientifique.

Elle assure un gra­phisme syn­thé­tique usant de traits éner­giques, pré­cis et de cou­leurs lumi­neuses. Si sa mise en page est de fac­ture clas­sique, elle pri­vi­lé­gie les pro­ta­go­nistes aux décors, ceux-ci res­tant mini­ma­listes.
Un album inté­res­sant pour décou­vrir un scien­ti­fique très en avance sur son temps. Il fau­dra attendre la Renais­sance, mais on reste un peu sur sa faim espé­rant en apprendre plus sur sa vie. Or, les sources fiables sont peu nombreuses.

serge per­raud

Chiara Rai­mondi, Mémoires d’Alexandrie – Héro­phile, tra­duit de l’italien par Diane Ran­ville, Ankama, sep­tembre 2022, 48 p. – 13,90€.

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