Jacky Essirard, La fille d’Uzès

Garrigue party

“L’écri­vain est un démiurge qui tire des plans sur le papier”, telle est la manière dont le nar­ra­teur de ce livre se défi­nit — avec l’onction de son auteur. Ses plans dans la réa­lité de ce séjour dans la région d’Uzès le prouvent comme s’il en deve­nait le double.
Il est venu là pour un salon du livre, tra­vailler à un manus­crit et pour­quoi pas se repo­ser un peu dans un gite même s’il redoute la coha­bi­ta­tion qu’implique un tel lieu.

Mais comme un auteur prend plai­sir à mani­pu­ler les indi­vi­dus, le temps, les lieux, son nar­ra­teur fau­fi­leur ne déroge pas à la règle. Tout en consi­gnant des notes dans son “carnet-mémoire, cama­rade de tous mes voyages”, il pro­jette, si l’occasion le per­met, de faire assaut sinon de ses charmes du moins de sa séduc­tion pour se ras­su­rer quant à sa pos­si­bi­lité de quelque voyage à Cythère pen­dant qu’il est encore temps.
L’occasion arrive afin que le réel comble l’imagination. Il séduit Lola, une belle jou­ven­celle — sans savoir que c’est le contraire qui eut lieu . Mais qu’importe pourvu qu’il ait l’ivresse.

Des Amé­ri­cains d’opérettes sont là, qui pour­raient le gêner mais, fier d’une de ses théo­ries, il ramène les fron­tières des pays au niveau des hommes. Ce qui lui sim­pli­fie — jusqu’à un cer­tain point — la vie. S’ensuivent diverses esca­pades : pèche, balade, che­val après le salon du livre inau­gu­ral du “pha­go­cy­te­ment” ori­gi­nal.
La mai­son de cam­pagne ouvre sur la gar­rigue : ah la gar­rigue ! Sa terre ocre rouge et des cailloux blancs “au moment où les san­gliers et les chas­seurs ne sont pas encore entrés en conflit”. Et tout roule — ou presque — même si Lola n’est pas la seule femme pul­peuse. Quant au nar­ra­teur, il est entouré de divers princes char­mants (made in USA par­fois) por­teurs d’ombre sous la canicule.

Dès lors, cer­taines visites de grottes ne sont pas seule­ment géo­gra­phiques. Mais elles s’imposent. On pense par­fois à Jules et Jim en ce séjour où le gite ouvre et clôt l’histoire d’amour ou presque. L’égo du nar­ra­teur conserve son mot à dire.
L’auteur s’en moque juste ce qu’il faut. Et, après réflexion, le pre­mier fait contre moyenne for­tune coeur clé­ment. Il pré­féré “être le père de Lola plu­tôt qu’un amant occa­sion­nel” car le pre­mier rôle est plus facile à tenir.

Manière d’une part de ne pas être com­plè­te­ment lar­gué et de l”autre de se don­ner le beau rôle dans cette his­toire de gar­rigue où fina­le­ment — vieux ou jeunes — les per­dreaux tous plus ou moins finauds ne sont pas de l’année.
Mais cela n’enlève rien à leur charme dans une telle fic­tion qui, for­cé­ment, est si rare car enjouée  et esti­vale. Chaud devant !

jean-paul gavard-perret

Jacky Essi­rard, La fille d’Uzès, Les Edi­tions sans escale, sep­tembre 2022, 184 p.

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