“L’écrivain est un démiurge qui tire des plans sur le papier”, telle est la manière dont le narrateur de ce livre se définit — avec l’onction de son auteur. Ses plans dans la réalité de ce séjour dans la région d’Uzès le prouvent comme s’il en devenait le double.
Il est venu là pour un salon du livre, travailler à un manuscrit et pourquoi pas se reposer un peu dans un gite même s’il redoute la cohabitation qu’implique un tel lieu.
Mais comme un auteur prend plaisir à manipuler les individus, le temps, les lieux, son narrateur faufileur ne déroge pas à la règle. Tout en consignant des notes dans son “carnet-mémoire, camarade de tous mes voyages”, il projette, si l’occasion le permet, de faire assaut sinon de ses charmes du moins de sa séduction pour se rassurer quant à sa possibilité de quelque voyage à Cythère pendant qu’il est encore temps.
L’occasion arrive afin que le réel comble l’imagination. Il séduit Lola, une belle jouvencelle — sans savoir que c’est le contraire qui eut lieu . Mais qu’importe pourvu qu’il ait l’ivresse.
Des Américains d’opérettes sont là, qui pourraient le gêner mais, fier d’une de ses théories, il ramène les frontières des pays au niveau des hommes. Ce qui lui simplifie — jusqu’à un certain point — la vie. S’ensuivent diverses escapades : pèche, balade, cheval après le salon du livre inaugural du “phagocytement” original.
La maison de campagne ouvre sur la garrigue : ah la garrigue ! Sa terre ocre rouge et des cailloux blancs “au moment où les sangliers et les chasseurs ne sont pas encore entrés en conflit”. Et tout roule — ou presque — même si Lola n’est pas la seule femme pulpeuse. Quant au narrateur, il est entouré de divers princes charmants (made in USA parfois) porteurs d’ombre sous la canicule.
Dès lors, certaines visites de grottes ne sont pas seulement géographiques. Mais elles s’imposent. On pense parfois à Jules et Jim en ce séjour où le gite ouvre et clôt l’histoire d’amour ou presque. L’égo du narrateur conserve son mot à dire.
L’auteur s’en moque juste ce qu’il faut. Et, après réflexion, le premier fait contre moyenne fortune coeur clément. Il préféré “être le père de Lola plutôt qu’un amant occasionnel” car le premier rôle est plus facile à tenir.
Manière d’une part de ne pas être complètement largué et de l”autre de se donner le beau rôle dans cette histoire de garrigue où finalement — vieux ou jeunes — les perdreaux tous plus ou moins finauds ne sont pas de l’année.
Mais cela n’enlève rien à leur charme dans une telle fiction qui, forcément, est si rare car enjouée et estivale. Chaud devant !
jean-paul gavard-perret
Jacky Essirard, La fille d’Uzès, Les Editions sans escale, septembre 2022, 184 p.