En sous-titrant son livre, l’auteur rappelle les titres éventuels auxquels nous avons avez échappé : “Comme une envie de pisser; Pisse-Nuit ; Vessie & Lanternes ; Veni Vessie Vici”. Yve Bressande donne le ton et indique que tout ici échappe aux pisse-froid.
Il déroule le temps par souvenirs intenses, douloureux mais aussi plus ou moins sexuels puisqu’il s’agit du machin, du truc et de ses mictions et émissions.
Chose faite, le corps est détendu, le cerveau reste embrumé mais il est disponible pour écrire “crayon en main, à l’ancienne”. Ainsi progresse-t-il en dépit d’une prostate déficiente et enflée qui donne du souci : “Oublié de prendre ma pilule / contractions blocage / danse d’indien devant le trône/ enfin un mince filet/jouissive délivrance”.
Le poète d’un âge avancé, “« un peu fait » / comme on dit d’un fromage qui commence à /sentir et nous livre une promesse de goût /prononcé” et par le bout d’une telle lorgnette (si on peut l’appeler ainsi) fait partager, dans son journal de l’intime, un and’ existence en rappelant ses besoins : le poète se lève chaque nuit au moins deux fois comme le facteur. Toutefois, dans le cas du premier, ce n’est pas pour sonner mais s’alléger — ce qui est malgré tout toujours une forme d’envoi.
Certes, l’ustensile quoique partiellement usé n’est pas “bon qu’à ça” comme disait Beckett parlant de l’écriture. Et voilà le premier émoustillé par “Sur le fil tendu/petites culottes d’avril/notes du désir”. Ce qui pousse la fièvre du samedi soir à arriver plus tôt que prévu — preuve que la carotte n’est ni râpée, ni totalement usagée.
Sans doute les jouvencelles ont plus de prestance, mais nous resterons au gogue avec celui qui se déleste. En bon gars et dans ce lieu, il s’émeut d’une araignée aux aguets ou d’un papillon qui badine: “lui dire de faire gaffe / trop tard il se colle” et il se prend dans le piège de la première en “une tragédie de ce petit matin”. Néanmoins, pour celle-là le papillon du matin ne donnera pas de chagrin.
Nous suivons donc notre poète soumis par exemple à l’érection du matin, ce qui n’est pas simple lorsque sa vessie semble prête à éclater. Il s’agit pour la soulager de patienter en essayant de faire le vide, voire de “tenter de composer un haïcul / viser vers le bas” afin que les premières gouttes arrivent
Quand l’hiver arrive, la poète n’en peut presque plus, après avoir connu l’hôpital et son urinal, Pour autant, voilà une année que le diariste aura évacué que bien que mal. Le froid de la saison n’est pas son ami. Toutefois “France-Inter” lui sert de berceuse et à sa manière lui dit “laisse pisser”. Et qu’importe l’endroit.
Quand la vie tient à un filet, qu’importe si un voisin contemple son popotin, se soulager sous les étoiles est possible.
Ce n’est pas encore cette année qu’il les aura rejointes.
jean-paul gavard-perret
Yve Bressande, Les Nocturines, Milagro Editions, juin 2022, 98 p.