Sacha Gervasi, Hitchcock

Psycho ou le der­nier grand film d’Hitchcock

Auteur réputé de clas­siques à sus­pense tels que The 39 steps (Les 39 marches, 1935), The lady vanishes (“Une femme dis­pa­raît”, 1938),  Stran­gers on a train (“L’inconnu du Nord-Express”, 1951), The man who knew too much (“L’homme qui en savait trop”, 1956), Ver­tigo (“Sueurs froides”, 1958), North by Nor­th­west (“La mort aux trousses”, 1959) ou Psy­cho (“Psy­chose”, 1960),  Alfred Hit­ch­cock fas­cine depuis des lustres les com­men­ta­teurs et spé­cia­listes en tous genres. C’est notam­ment  Psy­cho qui a contri­bué à asseoir sa renom­mée au moment où Hitch, s’étant « vendu » à la télé­vi­sion dès les années 50, est en dis­grâce auprès des stu­dios Para­mount et cherche à rebon­dir auprès du grand public.
Adapté du roman de Ste­phen Rebello, Alfred Hit­ch­cock and the making of Psy­cho, le scé­na­rio de  Hit­ch­cock suit un double pari : pré­sen­ter le contexte hou­leux de la pro­duc­tion de Psy­cho et le cadre, non moins hou­leux, des rela­tions conju­gales entre le maître du sus­pense sexa­gé­nère (Anthony Hop­kins) et sa moi­tié,  Alma Reville (Helen Mir­ren), qui est aussi sa  prin­ci­pale collaboratrice.

Sacha Ger­vasi concentre ainsi une par­tie de son pro­pos sur l’influence qu’exerce sur  Hit­ch­cock l’assassin Ed Gein,  agri­cul­teur fou du Wis­con­sin ayant tué plu­sieurs femmes et pro­fané de nom­breux cadavres dans les années 1950 et qui vient visi­ter le cinéaste dans son som­meil et joue le rôle de double pseudo-psychanalytique – c’est la par­tie la moins réus­sie et inté­res­sante du film.
En revanche, les séquences dédiées aux mono­ma­nies d’ Hit­ch­cock (la palme  est décer­née quand il mime un orchestre jouis­sif au moment de la mythique scène de la douche lors de pro­jec­tion de la pre­mière de Psy­cho) où aux inces­santes que­relles  avec sa femme sont beau­coup plus pertinentes.

Hitch n’hésite pas, il est vrai, à  finan­cer le pro­jet lui-même en hypo­thé­quant sa magni­fique demeure de Bel Air en Cali­for­nie tan­dis que sa femme, las­sée de jouer les seconds cou­teaux et de subir les fan­tasmes de son mari pour ses éter­nelles blondes actrices prin­ci­pales (obses­sion évo­quée par Dufreigne dans Le style Hit­ch­cock) prend ses dis­tances…
Ger­vasi illustre  en quoi le Psy­cho que nous connais­sons et  qui a fait cou­ler tant d’encre cri­tique doit plus à Alma Reville, qu’à Hitch him­self : c’est en accep­tant de pas­ser outre ses rela­tions com­plexes avec la gente fémi­nine (« Pour­quoi elles me tra­hissent tou­jours? » demande-t-il, har­gneux après le deuxième rôle de Psy­cho, Vera Miles, parce qu’elle a quitté Ver­tigo puisque atten­dant un enfant) que le cinéaste renoue avec le suc­cès et la gloire, révé­lant au pas­sage un art consommé pour déjouer les cen­seurs du code Hayes.

Force est de recon­naître en même temps, dans la roue d’un Truf­faut (cf. Hit­ch­cock Truf­faut, éd. défi­ni­tive Gal­li­mard 1993), que Pyscho paraît aussi le der­nier grand film d’Hitchcock,  The Birds (“Les oiseaux”, à pro­pos duquel on conseillera la lec­ture du roman, Harold,  de L.-S. Ulysse qui lui est consa­cré) — d’où le clin d’oeil final de Ger­vasi  ici — et les sui­vants ayant peu satis­fait le maître du sus­pense.
Reste que ce  Hit­ch­cock a le mérite de nous éclai­rer sur les condi­tions réa­listes de pro­duc­tion et de mon­tage de Psy­cho en des temps où la liste noire anti-communiste hol­ly­woo­dienne régnait en maître du confor­misme et de l’hypocrisie (cette liste sera défi­ni­ti­ve­ment écar­tée quelques mois après la sor­tie du film en 1960).

Le sujet majeur de  Psy­cho réside sans conteste dans « l’inquiétant étran­geté », pour par­ler comme Freud, que pro­jette le cinéaste sur l’Amérique moyenne des années 1950, mais ce n’est pas ce thème sur lequel se foca­lise Ger­vasi,  qui pré­fère trai­ter – par­fois en des­sous de la cein­ture (on peut lui en faire grief) – les rela­tions de Hitch, pour­tant l’un des artistes majeurs du cinéma, avec son entou­rage.
En ce sens, le DVD Hit­ch­cock est agréable à décou­vrir pour sa dimen­sion docu­men­taire mais il ne peut tenir lieu de l’exégèse subli­mée qui expli­ci­te­rait le pro­ces­sus artis­tique de sir Alfred et sa volonté de pas­ser à la loupe le com­por­te­ment ordi­naire des petites gens en temps de crise, aux marges de la « bana­lité du mal » arend­tienne qui reten­tira bien­tôt dans l’Histoire de sinistre façon.

fre­de­ric grolleau


Hit­ch­cock 

Réa­li­sa­teur :  Sacha Gervasi

Acteurs : Anthony Hop­kins, Helen Mir­ren, Scar­lett Johans­son, Danny Hus­ton, Toni Collette

Edi­teur : Pathé Fox Europa, juin 2013

Durée : 1h34

Bonus :
Un bel hom­mage à Hit­ch­cock
Hit­ch­cock et Alma

Prix public conseillé : 19.99 € TTC

Synop­sis :

Alfred Hit­ch­cock, réa­li­sa­teur reconnu et admiré, sur­nommé « le maître du sus­pense », est arrivé au som­met de sa car­rière. A la recherche d’un nou­veau pro­jet ris­qué et dif­fé­rent, il s’intéresse à l’histoire d’un tueur en série. Mais tous, pro­duc­teurs, cen­sure, amis, tentent de le décou­ra­ger. Habi­tuée aux obses­sions de son mari et à son goût immo­déré pour les actrices blondes, Alma, sa fidèle col­la­bo­ra­trice et épouse, accepte de le sou­te­nir au risque de tout perdre. Ensemble, ils mettent tout en œuvre pour ache­ver le film le plus célèbre et le plus contro­versé du réa­li­sa­teur : PSYCHOSE.

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